« Ce flashback nous met sur le chemin du don.
Du don d’amour, du don de vie, de soi… »
Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, c’est l’accident. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…
Réparer les vivants de Katell Quillévéré est ce que l’on pourrait appeler un film de relais, ou sans personnage principal. D’un groupe de jeunes surfeurs à un groupe de médecins, en passant par une mère monoparentale et ses deux garçons, le film nous amène dans l’univers des transplantations cardiaques.
Présenté en compétition officielle dans la section Orizzonti à la dernière Mostra de Venise, ce drame aborde, avec réalisme et beaucoup d’humanité, l’envers du décor du monde des transplantations d’organes. Il est d’ailleurs présenté en partenariat avec la Fondation canadienne du rein et Transplant Québec. Il a aussi été sélectionné aux César, au Festival international du film de Rotterdam, à Cinémania et au TIFF.
Réparer les vivants est, et ce n’est pas rien, un film très réaliste.
D’ailleurs, les producteurs et la réalisatrice ont tout fait afin de s’assurer que le film serait bien fait à ce niveau. Afin que les acteurs se sentent bien imprégnés de l’atmosphère hospitalière, le long métrage a été tourné dans une aile d’hôpital désaffectée, qui a été réaménagée pour le film.
Le langage employé par les personnages est très technique, médical, mais, à d’autres moments, on laisse place aux silences et tout se passe dans les non-dits, les mouvements des corps dans l’espace que l’on cherche à déchiffrer. L’émotion se joue beaucoup au-delà de ce qui peut être dit.
Rien n’a été laissé au hasard. Quant aux acteurs qui incarnent le corps médical, la réalisatrice explique : « Ils ont tous plongé profondément dans leur rôle aussi grâce au temps qu’ils ont passé à l’hôpital pour suivre une formation, avec des binômes qui faisaient leur métier dans le film. Quand ils sont arrivés sur le tournage, ils étaient tous chargés de ce vécu d’avoir été confrontés à de vrais morts, d’avoir vu des médecins annoncer ou entendre les mêmes
choses que leur personnage, avec les mêmes mots. Tout l’enjeu pour Bouli Lanners ou Tahar Rahim était de trouver cette distance respectueuse envers la famille, d’incarner cette problématique des médecins au quotidien : comment être en empathie avec les personnes en face pour pouvoir les accompagner et en même temps, ne pas être dans la compassion, ne pas dépasser cette limite qui fait que tu ne les respectes plus puisque tu souffres avec eux? »
Le producteur et la réalisatrice ont quant à eux assisté à une greffe du cœur, comme Dominique Blanc, Karim Leklou et tous les acteurs qui jouaient un rôle en chirurgie. Les scènes de bloc opératoire sont extrêmement véridiques sur les gestes, la chronologie des opérations. Quillévéré explique que, pour elle, « c’était essentiel, sur un plan de pure véracité, que le film soit irréprochable sur le corps médical qu’il représente. La beauté et les défis de ces métiers sont fascinants et j’avais à cœur de les transmettre. »
Ici, chaque personnage, tout en ayant une identité propre, est le maillon d’une chaîne suspendue entre une mort et une vie. C’est la force du lien entre ces individus et la façon dont s’organise cette chaîne qui sera à la base du prolongement d’une vie.
Un des personnages les plus importants est celui de Thomas. Il est ce que la réalisatrice appelle « un passeur ». Il a pour rôle de créer le pont entre les deux familles (donneur et receveur). Dans la réalité, ces gens tiennent vraiment ce rôle-là. La manière dont ils vont exprimer et transmettre les choses aux familles, les écouter, les guider va faire que quelqu’un va vivre ou pas.
Mais après lui, il y a tout le reste de la chaîne qui se met en branle dès que la famille du défunt accepte de donner des organes. C’est un vrai principe de solidarité. La réalisatrice explique qu’elle a été frappée par l’ampleur des moyens mis en œuvre par toute une communauté pour sauver une seule vie. Elle explique que « le don d’organes se fonde vraiment sur un principe de solidarité, ne serait-ce que du point de vue du droit. L’idée qu’une communauté mette tout en œuvre pour qu’une vie se prolonge est très belle et je voulais montrer comment cela s’organise : affréter un avion, prévoir des taxis, des flics, des chirurgiens de pointe. Cela coûte de l’argent, mais tout le monde y a droit. J’espère avoir fait un film humaniste qui redonne la sensation du lien, de ce que ça peut vouloir dire de se sentir appartenir à une famille, un groupe, à une société. Je trouve que c’est très important aujourd’hui par rapport à beaucoup de choses que l’on traverse. Un cœur s’arrête de battre pour prolonger la vie d’un autre… c’est un grand voyage, pendant lequel l’individu reconnaît son appartenance à une chaîne. »
Réparer les vivants se déroule sur une très courte période. À peine plus de 24 heures. Une seule scène sort de ce cadre. Un flashback. On découvre la rencontre entre Simon (le jeune homme qui décède) et Juliette, sa copine.
Une superbe scène dans laquelle Simon et Juliette sortent du lycée ensemble. Il va la rejoindre, ils échangent quelques mots, les premiers ensemble. Puis, un regard… Elle prend ensuite le funiculaire, lui son vélo. Puis, il se lance à vélo afin d’aller la rejoindre tout en haut. Cette ascension est une métaphore de l’élan amoureux du garçon. Ce flashback renvoie aussi à la question de Thomas, l’infirmier coordonnateur : qui était Simon, quel rapport avait-il aux autres, à son corps? Ce flashback permet d’éviter la discussion entre le père et la mère au sujet du don des organes de leur fils et nous amène à comprendre qu’ils vont accepter. Ce flashback nous met sur le chemin du don. Du don d’amour, du don de vie, de soi…
Le film de Katell Quillévéré met en vedette Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Bouli Lanners, Alice Taglioni, Monia Chokri et Anne Dorval. Adapté du roman du même nom de Maylis de Kerangal, paru en 2014, il nous amène au cœur du problème : Qui va recevoir ce cœur?
Pour une fois, on sort du cliché du petit enfant qui en a tant besoin pour rentrer dans la réalité d’une femme de 50 ans qui peut se questionner à savoir si elle veut ou non continuer sa vie.
Réparer les vivants vous amènera à réfléchir sur votre propre désir de donner ou de recevoir un organe. Avez-vous signé votre carte?
Note : 8.5/10
© 2023 Le petit septième
J’ai adorer votre article. Je vais le transferer a mes amis sur ma page facebook. Je suis certain qu’il vont l’aimer. [url=https://www.lesiteimparfaits.com]Merci[/url]