« Si vous voulez quelque chose, vous devez être quelque chose. »
Simon Beaudry est un artiste visuel qui a une démarche audacieuse sur l’identité québécoise et rêve d’indépendance. Au moment où l’Écosse s’apprête à décider de son avenir, il s’y rend pour rencontrer Samuel Bergeron, étudiant à Glasgow, et créer des œuvres excentriques aux quatre coins du pays du whisky. Ne laissant personne indifférent avec sa tenue folklorique et ses œuvres dans l’espace public, il amène, en compagnie de son acolyte, les Écossais de toute allégeance à s’exprimer sur la pertinence d’un pays et ses rencontres le poussent à remettre en question ses méthodes de création.
Le référendum écossais de 2014 a fait beaucoup parler au Québec. Ce n’est donc pas étonnant de voir des artistes québécois s’y intéresser. C’est à la manière d’un « road movie » et en empruntant au cinéma direct, que Félix Rose et Éric Piccoli ont suivi le duo de protagonistes Simon Beaudry et Samuel Bergeron sur une période d’un mois en Écosse. Yes présente deux profils complètement différents avec le rêve de l’indépendance du Québec et, par procuration, celle de l’Écosse.
C’est en voiture, en train et en bateau, qu’ils ont traversé des paysages à couper le souffle à un moment charnière de l’histoire écossaise. Simon a pour objectif ultime de se rendre aux îles reculées Shetland, l’endroit où la laine des premières ceintures fléchées québécoises proviendrait. Sur le chemin, il profitera de la singularité de chaque lieu pour s’inspirer et créer de l’art dans l’espace public. Sa démarche se précisera et son discours évoluera grâce entre autres à cette nouvelle amitié avec Samuel et la route qu’il partage avec les cinéastes. Grâce au site « CouchSurfing », ils ont trouvé des endroits où dormir et ils ont fait des rencontres inoubliables avec des gens appartenant aux deux camps. Dont cet endroit incroyable au Shetland. Une baraque à moitié délabrée où les deux voyageurs s’amusent à dire qu’ils dormiront non seulement avec des punaises de lit, mais des punaises écossaises…
À mesure que le film avançait, j’ai commencé à me questionner. Tout d’abord, je me suis demandé pourquoi l’indépendance de l’Écosse nous intéressait tant. Puis, pourquoi tant de Québécois voulaient-ils que l’Écosse se libère du Royaume-Uni. Et finalement, pourquoi Simon et Samuel voulaient-ils se mêler de la politique écossaise. Puis j’en suis venu à me dire que, bien que je trouve le périple des deux acolytes louable, le destin de l’Écosse et du Royaume-Uni ne nous regardait pas vraiment. Et que, du coup, on ne devrait peut-être pas s’en mêler.
Par contre, je dois dire que la comparaison dressée par Simon et Samuel entre le Québec et l’Écosse est très intéressante. Tout d’abord, en sortant les symboles forts de l’Écosse : le whisky, le Kilt… Puis en réalisant que le Québec n’a pas vraiment de symbole fort, reconnaissable internationalement. Il y a aussi le fait que, partout, on reconnait l’existence de l’Écosse, même si celle-ci fait partie du Royaume-Uni, alors que le Québec ne donne pas vraiment de résonnance. Peu de gens savent ce qu’est le Québec. Au plus, on réfère aux Québécois en termes de « Canadiens-français ».
Présentée en chronologie pour montrer l’évolution de la quête personnelle des personnages pendant la campagne référendaire, Yes est, au-delà d’un film politique, un portrait du paysage écossais (humain et naturel). Le nombre de jours restants est indiqué à la manière d’un décompte pour marquer la temporalité et des cartes de l’Écosse permettent de comprendre les distances parcourues. Avec une caméra à l’épaule, effacée et continuellement à l’affut, les intervenants se confient de façon honnête et naturelle. Afin de comprendre le travail de Simon Beaudry, le résultat de ses œuvres est présenté en accompagnement à ses explications ou encore en juxtaposition aux scènes de création.
Mais, au final, c’est sur une scène rappelant les images de 1995 que se termine le film. Nos deux amis sont déçus, tristes et désillusionnés.
Alors, n’en déplaise aux fiers séparatistes québécois, j’ai bien l’impression que si l’Écosse n’est pas parvenue à faire son indépendance en 2014, c’est que le Québec en est encore bien plus loin…
Note : 8/10
© 2023 Le petit septième