Tu sais pas à quel point l’aventure est si belle et si complexe.
Bianca Gervais
Le documentaire Pas facile d’être mère de Sophie Lambert s’attaque aux tabous entourant la maternité. Être mère est merveilleux, mais tout n’est pas toujours simple et parfait. Et cela, on ne le dit souvent pas assez et le choc post-accouchement est parfois brutal.
Plusieurs mamans nous font part, dans le documentaire, de leur expérience de la maternité, dont quelques personnalités du milieu artistique québécois : Bianca Gervais, Valérie Blais et Fanny Britt, et quelques blogueuses qui osent dire ce que plusieurs taisent : Véronique Grenier et Marianne Prairie. Le film est disponible gratuitement sur le site de Canal vie jusqu’au 2 février prochain.
Ce texte sera certainement le plus personnel de tous ceux que j’ai écrits pour Le petit septième. J’ai moi-même donné naissance à un magnifique petit garçon en avril dernier. Déjà pendant la grossesse les inquiétudes ont commencé : va-t-il s’accrocher, puis-je faire telle ou telle activité, manger tel ou tel aliment? Ce n’était que la pointe de l’iceberg.
On ne dit pas assez l’angoisse profonde qui accompagne la maternité – je parle ici du point de vue d’une mère, mais il n’est pas exclu que certains pères se reconnaissent aussi dans mes propos. Serais-je en mesure d’apporter à mon enfant tout ce dont il a besoin au niveau des besoins primaires, de l’affection, de l’attention? Vais-je réussir à trouver les bons mots pour calmer ses angoisses, pour répondre à ses interrogations? On remet tout en cause : nos valeurs, nos activités, notre alimentation…
Le sentiment de culpabilité dont il est question dans le documentaire Pas facile d’être mère devient parfois obsédant. Mais ça non plus on ne le dit pas ou très peu. La plupart des mères veulent montrer qu’elles sont en contrôle, que tout se passe bien. Et c’est normal, je le fais aussi à ma manière. Mais on est comme des cygnes, pour reprendre l’image de Bianca Gervais : très dignes, mais, sous l’eau, on pédale comme des folles.
Voit-on beaucoup de photos sur les médias sociaux qui montrent l’envers de la vie de famille? Non. C’est toujours des photos choisies qui font état des meilleurs moments. Et on se compare – l’humain est ainsi fait – et on se dit : merde! comment font-ils pour y arriver??? Mais ces moments magiques pris sur le vif et publiés ne sont souvent pas représentatifs du quotidien.
Je me suis vraiment reconnue dans les propos de Valérie Blais. Elle a repris le travail alors que son bébé n’avait que 3 semaines; elle avait une occasion professionnelle et son travail l’a toujours passionnée. J’ai moi-même repris le travail après 6 semaines. J’avais obtenu une bourse de recherche convoitée et j’avais besoin de cette sécurité financière. Mon projet de recherche m’emballait aussi et m’emballe encore.
On réalise cependant que ce n’est pas facile de mener en parallèle une vie de famille et une carrière. Et je ne parle pas d’un point de vue sociétal, mais d’un point de vue personnel. Je n’ai jamais l’impression d’être à 100 % dans aucun des deux : famille ou travail. Je travaille et je pense à ce que je manque avec mon fils, à ce que je pourrais faire avec lui… J’ai aussi souvent le sentiment d’être une mère indigne.
Jamais je n’aurais cru que ce serait si prenant, voire difficile, de m’occuper de mon enfant, de tenir une maison et de travailler. La conciliation travail-famille n’est pas simple, mais je ne regrette aucunement mes choix. C’est plus dur que ce que j’avais imaginé. Et il est tout à fait probable que nous ayons un autre enfant. Mais cette fois-là, je saurai à quoi m’en tenir.
On perd le contrôle quand on a un enfant. On ne peut plus maîtriser tout ce qui nous entoure et ça ne se passe pas toujours comme on l’a prévu. Il faut savoir faire des compromis, aller chercher de l’aide et oser dire ce qui nous obsède.
Avoir un bébé, ce n’est pas jouer à la poupée. Ça implique de grandes responsabilités. Il n’en reste pas moins que je ne voudrais pas revenir en arrière. J’aime mon enfant de mon cœur. Mais parfois j’aurais aimé qu’on m’avertisse. J’aurais aimé voir ce documentaire avant d’accoucher, avant de devoir quitter l’hôpital si stressée à l’idée de ne pas savoir quoi faire. Ne serait-ce que pour avoir certaines réflexions en tête et faire taire un peu mon hamster mental.
Une chose manque, à mon avis, dans le documentaire, un autre tabou lié à la maternité : l’allaitement. On met beaucoup de pression sur les mères pour qu’elles allaitent. Tout le corps médical insiste. Mais quand ça ne fonctionne pas, on se sent coupable.
Pour ma part, je l’ai très mal vécu. J’ai fait tout ce que j’ai pu, j’ai rencontré une ostéopathe pour bébé, des conseillères en allaitement, en plus de la dizaine d’infirmières qui me conseillaient pendant l’hospitalisation de mon fils, mais rien n’y faisait. Il ne s’alimentait pas. Et même en exprimant mon lait – avec une prise de médicaments pour augmenter ma production de lait – je n’avais toujours pas suffisamment de lait pour combler ses besoins. Je me sentais jugée, je me jugeais beaucoup. Je « privais » mon enfant de ce qu’il y avait de mieux pour lui.
Pas facile d’être mère a fait du bien à la maman imparfaite que je suis. Parce que nous sommes toutes imparfaites et qu’on a toutes, un jour ou l’autre, l’impression que la tâche est si grande que nous ne pourrons pas y arriver. On doit apprendre à vivre le moment présent, arrêter de trop se projeter dans l’avenir. Mais on a aussi, socialement, une pression pour la perfection.
J’encourage aussi les mères et les futures mères à visionner le documentaire Bébés de Thomas Balmès, dont lequel on montre l’évolution sur 2 ans de 4 enfants issus de milieux très différents.
Je vous laisse sur la savoureuse « Pensée ordinaire # 1 » de Véronique Grenier :
« Et parfois, la mère épuisée trouve que produire de l’humain adéquat, c’est une ostie de job. »
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