car dans mes rêves, je suis le roi
Éliane, Romes, Pablo. Au Québec, au Mexique et en Asie, trois rêveurs éveillés répondent à l’appel pressant des images et des mélodies qui les habitent, le jour comme la nuit. Marqués par une absence, un départ ou un urgent besoin d’aller vers l’autre, Éliane (Éliane Préfontaine), Romes (Gerardo Trejoluna) et son père Pablo (Felipe Casanova) choisissent d’agir avant qu’il ne soit trop tard. De trouver refuge dans un espace indicible et aux multiples visages – pas tout à fait dans le monde concret, mais juste à côté.
Mes nuits feront écho de Sophie Goyette est un parcours sensoriel guidé par le voyage, l’art, le rêve, la mémoire. La Cinémathèque québécoise présente, du 4 au 31 janvier, une exposition photo sur le film.
« J’avais besoin de retourner à des émotions fortes, de la magie, du mystère. J’étais aussi très attirée par le fait que quelque chose qui nous unit tous sur terre est qu’on rêve la nuit. Peu importe notre âge, nationalité, niveau de vie… C’est quelque chose que je trouve assez fascinant. Comme une autre voie d’autoroute qui existe, en parallèle de notre quotidien. Et qu’on emprunte tous le soir, la nuit », expliquait la réalisatrice.
Le film commence sur une narration, avec des lumières. On ne sait pas exactement où l’on est. On entre dans un univers intrigant, esthétiquement stimulant. Le cadrage parfois non conventionnel et l’esthétique des images rendent bien le mystère que Sophie Goyette voulait exprimer. Les images sont souvent floues, masquées par un brouillard; on ressent alors la pesanteur du ciel. Le tout est un peu énigmatique. On vacille entre la réalité et le rêve, comme dans un rêve éveillé, où l’on accompagne les trois personnages, tour à tour. On entre dans leur intimité, car qu’est-ce qui est plus intime que nos rêves?
On suit trois personnages, en trois temps, à travers trois lieux : le Québec, le Mexique et en Asie. Et les paysages, l’espace qui entoure ces trois personnages, sont souvent aussi importants que les dialogues, qui sont d’ailleurs en trois langues : français, anglais et espagnol.
Par rapport à la langue, Sophie Goyette a d’ailleurs dû s’ajuster : « Un aspect intéressant était les différents rythmes des langues, elles n’ont pas toutes le même tempo. On a fait plusieurs prises en changeant parfois la cadence, parce qu’il fallait que ça appartienne à la même poésie. On dirait que chaque pays et chaque culture a son rythme de langage. »
Et la réalisatrice est parvenue à un juste équilibre entre les trois univers qui se fondent bien et deviennent la continuité les uns des autres.
Aussi, les arts se succèdent, trouvent leur importance dans ces univers réels et fantasmés. Éliane a un don pour le piano. Elle est habitée par la musique quand elle joue; elle la ressent profondément. Romes fait de la photographie. Les nuances dans les paysages qu’il capture sur la pellicule sont subtiles, floues, imprécises, à l’image du film. Et pour Pablo, c’est la littérature. Ce n’est pas lui qui écrit, mais ce qu’il a lu continue de vivre en lui. Il s’exprime bien, avec une certaine poésie.
On erre dans ces trois univers colorés. Les personnages vivent à travers les arts, à travers leur art. Et ils racontent leurs rêves, des rêves qui deviennent le moteur de leurs actions, qui les éclairent ou, à tout le moins, les guident.
Mes nuits feront écho, c’est la solitude, la douleur, la fragilité. C’est une œuvre d’une grande beauté, pleine de douceur.
Note : 9/10
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