Pour sauver l’homme qu’elle aime de la prison, Mathilde (Sophie Marceau) prend sa place en lui permettant de s’évader. Alors que sa survie en milieu carcéral ne dépend que de lui, Mathilde n’en reçoit plus aucune nouvelle. Isolée, soutenue uniquement par son fils, elle répond désormais au numéro d’écrou 383205-B. Mathilde deviendra-t-elle une taularde comme une autre?
La taularde d’Audrey Estrougo montre le milieu carcéral féminin en France. Ce milieu particulier a aussi récemment fait l’objet d’adaptation télévisuelle. Je pense, aux États-Unis, à Orange is the new black et, au Québec, à Unité 9. Mais qu’est-ce qu’Estrougo montre dans son film? Les sacrifices que l’on fait au nom de l’amour, et leurs conséquences sur qui l’on est et qui l’on devient.
Bien que l’on présente un milieu où il n’y a que des femmes : prisonnières, avocate, infirmière et surveillantes (aucun surveillant), le tout dans un véritable huis clos puisque l’on ne sort jamais de la prison, les hommes sont bien présents. Cet état de fait avait marqué la réalisatrice pendant ses recherches sur le terrain : même s’ils sont absents physiquement, les hommes sont de toutes les conversations, et l’on en parle en bien ou en mal.
Quelques hommes tout de même font irruption dans le film, au parloir. Le fils de Mathilde n’hésite pas à dire à sa mère ce qu’il pense de ses actes. Comment a-t-elle pu foutre sa vie en l’air de cette manière pour un homme, un criminel? Elle était professeure de lettres, sa vie n’aurait pas dû prendre cette direction. Mais on peut en faire des choses par amour…
Pendant un an et demi, Audrey Estrougo a fait un atelier d’écriture dans une prison, ce qui l’a aidé à s’ancrer dans le réel de ces femmes. « Mathilde m’a ainsi été inspirée par une détenue que j’ai rencontrée – mais dans la vraie vie, son mari s’est fait rattraper au bout de 36 heures de cavale, j’ai juste gardé le principe de l’évasion », expliquait-elle.
« La prison, ça s’entend, ça se regarde, ça se vit, c’est très intense. Il se passe toujours des choses, on est toujours en interaction avec quelqu’un ou quelque chose, il n’y a pas de moment de silence ou de répit. À la fin d’une journée là-bas, quand je rentrais chez moi, j’avais l’impression d’y être restée quatre ans. J’ai retenu la phrase d’une détenue : “Que tu passes une journée, dix jours, dix mois ou dix ans en prison, c’est pareil.” À partir du moment où l’on te donne un numéro d’écrou, que l’on te retire ton identité et ce qui te caractérise, le processus de destruction lente est enclenché », commentait la réalisatrice.
Mathilde était forte en entrant en prison. Elle le faisait par amour et ne semblait pas prendre conscience de ce dans quoi elle s’embarquait. En prison, tu deviens anonyme, un numéro. Les classes sociales n’ont plus de sens. Tout le monde est égal dans la misère et les punaises de lit. Il y a aussi beaucoup de jeux de pouvoir et des bandes. Il faut faire les bons choix, se lier aux bonnes personnes. L’amitié, comme celle que Mathilde vit avec Anita (Suzanne Clément), peut aider à traverser cette épreuve. Soit on s’endurcit ou, au contraire, on meurt à petit feu. Et si l’on en vient à sortir, on n’est plus la même personne qu’avant la prison.
On n’a plus d’intimité. On est fouillée, examinée, soupçonnée. Mais l’état d’enfermement ne se limite pas aux prisonnières, étonnamment peut-être. Les surveillantes sont tout aussi coincées dans cet établissement qui donne lieu à toutes sortes de folie et où le pire de chacune à tendance à sortir.
Le film a une fin ouverte, comme je les aime. Toutes les réponses ne sont pas données, et la vie continue.
La taularde, ou apprendre la violence…
Note : 8/10
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