Quand on fait de la musique, on ne fait pas de guerre.
Doan Trang Phan
Une nuit sans lune retrace le parcours vers la liberté de réfugiés vietnamiens qui ont fui leur patrie après les événements tragiques du 30 avril 1975 quand le régime totalitaire communiste du Nord a renversé le gouvernement démocratique du Sud-Vietnam. Après être passés par les camps de réfugiés et par un bref séjour à la base militaire de Longue-Pointe dans l’est de Montréal, découvrons comment, 40 ans plus tard, des hommes, des femmes et leurs enfants ont su à force de courage et de résilience réussir leur intégration à la société québécoise et canadienne.
Une nuit sans lune, boat people : 40 ans après de Thi be Nguyen et Marie-Hélène Panisset présente plusieurs témoignages de réfugiés vietnamiens qui vivent maintenant, pour la plupart, au Québec.
C’est par la lecture du récit Ru de Kim Thúy, il y a quelques années, que je me suis familiarisée avec la réalité des boat people. La fiction permet souvent d’appréhender autrement le réel, de le faire mieux connaître à différentes générations. Au début du film, l’écrivaine lit d’ailleurs un extrait de son livre, comme une façon de mettre la table. Elle parlera aussi de son expérience personnelle, de sa traversée, des conditions précaires et difficiles de cette traversée.
La mémoire est une faculté incroyable. La plupart des réfugiés ont quitté le Vietnam entre 1975 et 1980, mais ils racontent leur fuite comme s’ils l’avaient fait la veille. Plusieurs d’entre eux étaient alors des enfants. Certains ont même fait cette traversée seuls, sans parents avec eux. Ce genre de traumatisme ne doit pas s’oublier facilement. C’est au péril de leur vie qu’ils entreprenaient ce voyage. D’ailleurs, le sénateur Thanh Hai Ngo rappelle que parmi les centaines de milliers de personnes qui ont fui, une sur deux a péri, en mer ou dans l’un des nombreux camps de réfugiés.
Le séjour en mer a été extrêmement long pour certains. Si les gens n’étaient pas en profonde détresse, sur le point de se noyer, on ne leur portait pas secours. On ne savait pas trop comment réagir devant leur détresse, quoi faire avec eux. Des camps de réfugiés ont été mis sur pied dans plusieurs pays, mais les conditions étaient le plus souvent difficiles, voire terribles.
J’ai été étonnée et touchée d’entendre les récits de ces Vietnamiens qui se souvenaient de l’accueil chaleureux des Québécois. Peut-être avons-nous perdu un peu de notre humanité au fil des ans, parce qu’avec la crise des Syriens, j’ai l’impression que notre société est beaucoup plus fermée et moins réceptive à la détresse d’autrui qu’elle l’était à l’époque.
Doan Trang Phan se souvenait aussi de ses premiers mois ici. Elle était alors au secondaire et ses parents adoptifs l’avaient inscrite à une école très majoritairement fréquentée par des francophones. Cette immersion favorisait l’apprentissage du français. Elle avait alors eu le bonheur de faire partie de l’harmonie de l’école. Au Vietnam, seuls les enfants des familles riches avaient accès à la musique. Ici, si des cours étaient offerts dans les écoles, le matériel était prêté aux élèves. La musique est un langage universel; même si l’on ne parle pas la même langue, on peut se comprendre en lisant une même partition. « Quand on fait de la musique, on ne fait pas de guerre », dira-t-elle.
L’une des réalisatrices, Thi be Nguyen, témoignera à son tour, à la fin du film. C’est son histoire qui donne le titre au film, une histoire touchante qu’elle livre difficilement.
Le film est principalement constitué d’entrevues. Mais plusieurs images d’archives sont aussi montrées, de même que quelques très beaux plans de mer. La mer fait souvent rêver les gens, mais son côté sombre et destructeur apparaît aussi à travers les récits des réfugiés.
Une nuit sans lune est un bel exercice de mémoire. On voit bien alors, comme le soulignera Kim Thúy, les deux côtés de l’être humain : son côté sombre et destructeur, mais aussi sa lumière à travers l’entraide dont il peut, parfois, faire preuve.
Note : 8/10
Au générique de fin joue la chanson Ouvrez les frontières de Tiken Jah Fakoly, chanson de circonstances. N’hésitez pas à l’écouter à l’aide du lien mp3 qui suit…
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Bravo pour ce documentaire ? vous m avez fait revivre de bons souvenirs du temps passé avec Doan phan au temps où elle travaillait au Canadien Pacifique au bureau des pensions . Quelle fille intelligente. Depuis ce temps je possède son livre qu elle m a dédicacé. J aimerais tellement entrer en contact avec elle. Nous avons partagés vraiment de bons moments ensemble mais la vie nous a séparé.
Je me souviens lorsqu elle reçu sa famille vietnamienne a Montreal . Elle avait tout fait pour eux . Et quelle joie.
Si cela était possible j aimerais bien la revoir .
Merci pour votre témoignage.
Pourrais-je vous demander quel est le titre de son livre? Je serais curieuse de le lire.
Au plaisir!