Du cirque au théâtre, de l’anonymat à la gloire, l’incroyable destin du clown Chocolat (Omar Sy), premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu’il forme avec Footit (James Thierrée), va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l’argent facile, le jeu et les discriminations n’usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l’histoire de cet artiste hors du commun.
Scénarisé par Cyril Gely, Chocolat a été adapté par Roschdy Zem et Olivier Gorce à partir du livre Chocolat clown nègre de Gérard Noiriel. Le réalisateur français, Roschdy Zem, considère que de connaître son passé est essentiel pour mieux vivre le présent. Et je dois avouer que je suis tout à fait de cet avis.
Tout le monde connaît l’expression « être chocolat », mais qui connaît réellement sa provenance? Noiriel s’est employé à le faire dans son livre : « Le Dictionnaire historique de la langue française publié par les éditions Robert (édition 2000) est l’un des seuls, à ma connaissance, qui fasse référence au clown noir : “1886 : Faire le chocolat, faire le naïf. Probablement des clowns Footit et Chocolat. Ce dernier grimé en nègre, de manière naïvement raciste. Fam : être chocolat, être frustré, privé d’une chose sur laquelle on comptait.” » Cela donne d’emblée une bonne indication sur le personnage Chocolat.
Tourné un film d’époque est toujours une gageure. Il ne faut pas que ça sonne faux, tant au niveau des décors que des costumes et accessoires. C’est ici très réussi, à mon avis. On plonge alors dans un Paris du début du 20e siècle. Quant aux acteurs, ils sont excellents. Les scènes de cirque de Footit et Chocolat m’ont amusée, semblent naturelles. Il faut dire que les deux acteurs les ont répétées pendant 4 semaines : « le cirque, c’était l’inconnu. Heureusement pour nous, James Thierrée qui interprète le rôle de Footit, connaît bien cet univers. […] James m’a appris les particularités de la mécanique du clown, le rythme, les mouvements du corps. J’ai dû apprendre à utiliser le mien différemment. James me montrait comment bouge un clown. Mais c’était le sien. Or je devais trouver mon clown. On a beaucoup pratiqué, cherché », expliquait Omar Sy.
Et pour que ça passe bien à l’écran, Thierrée et Sy devaient aussi former un bon duo : « Un duo, c’est un peu une histoire d’amour. Même si elle se passe sur un plan artistique, elle commence par un coup de foudre. On rencontre quelqu’un qui nous correspond, avec qui on peut échanger, évoluer. », renchérissait Sy. Les acteurs ont eu leurs différends et on apprit à travailler ensemble. Ils ont bien rendu l’histoire d’amitié, presque d’amour, entre Footit et Chocolat, une histoire qui a eu ses hauts et ses bas.
Quant à James Thierrée, bien qu’il connaisse l’univers du cirque, il n’avait, jusqu’à ce projet, jamais entendu parler de Footit et Chocolat. Footit est « multicolore » sur la piste, « c’est un éventail, un diaporama d’inventivité », comme le qualifiait son interprète. Mais hors de l’arène, l’homme est solitaire, renfermé. C’est un élément très contrastant avec Chocolat qui aime sortir et aller à la rencontre des gens.
Le contraste Blanc et Noir est aussi important. Les contextes politique et social étaient différents. Être Noir à cette époque représentait déjà son lot de difficultés, mais être Noir, fils d’esclave, ancien esclave et artiste a dû représenter tout un défi. Et malgré le succès qu’il a connu pendant près de 15 ans, Chocolat a sombré dans l’oubli. Il a voulu dépasser les stéréotypes, faire sa place au théâtre, mais il est parfois difficile de changer les mentalités…
Chocolat nous entraîne dans une époque où le divertissement était tout autre. C’est aussi une histoire d’amitié sincère, mais fragilisée par le contexte social. Footit ne cherchait pas un Nègre pour ses numéros, mais un clown. Il a tout de même construit ses spectacles autour de préjugés raciaux dont raffolait le public.
Je laisse ici le mot de la fin à Omar Sy : « Quand le succès d’Intouchables a éclaté et qu’on m’a décerné un César, j’ai souvent entendu dire que j’étais le premier artiste noir en France à atteindre une telle notoriété. Pour remettre les choses à leur place, j’aimerais qu’on se souvienne dorénavant qu’avant moi… il y a eu Chocolat. »
Note : 8/10
© 2023 Le petit septième