« Nelson Mandela fut emprisonné pendant 27 ans parce qu’il s’opposait à l’apartheid. Martin Luther King fut assassiné parce qu’il luttait contre la ségrégation raciale. Tous deux se battaient contre des lois de leur propre pays avec une arme redoutable : la légitimité démocratique. »
Ferran Civit i Martí
Le Peuple interdit est un documentaire mettant en lumière l’importante implication citoyenne derrière le renouveau du mouvement indépendantiste catalan, alors que nous suivons des personnages qui sont directement impliqués dans les événements marquants de l’automne 2014 à Barcelone, puis ceux qui entoureront la tenue des élections référendaires du 27 septembre 2015.
Depuis 2006, Alexandre Chartrand, le réalisateur, s’intéresse à la question de l’indépendance catalane. À l’image du désir indépendantiste du Québec, les Catalans ont longtemps mis de côté leur rêve de liberté. Mais depuis l’automne 2014, ils ont déployé les plus grandes manifestations européennes, organisé un référendum illégal couru par plus de 2 millions de personnes et élu le premier gouvernement indépendantiste depuis la guerre civile espagnole de 1936-1939. Pourtant, peu de médias extérieurs à la Catalogne font état de ce qui se déroule vraiment dans cette région du nord-est de l’Espagne.
27 septembre 2015, exactement un an après l’élection des indépendantistes, un nouveau référendum pour approuver la constitution de la nouvelle République de Catalogne se dessine déjà dans un horizon qui se compte en mois. Malgré les menaces de Madrid, le chef d’État catalan, Artur Mas, va de l’avant et organise l’élection référendaire.
Mais avant d’en arriver à ces deux votes historiques, les organisations indépendantistes ont réussi à démontrer que le mouvement n’était pas que l’histoire de quelques personnes. Afin de montrer et de souligner leur droit à décider d’eux-mêmes, 1,8 million de Catalans ont participé à l’automne 2014 à la diada historique du tricentenaire. C’est donc le 11 septembre 2014, en créant un « V » géant dans les rues de Barcelone que les Catalans exigeaient d’avoir le droit de voter sur la question référendaire. « V » pour voter, disaient-ils. Au référendum du 9 novembre 2014, bien entendu.
Mais pourquoi Madrid s’oppose-t-elle à ce vote? Évidemment, perdre une partie de son territoire ne montre pas l’image d’un pays fort, ce que Madrid voudrait bien montrer au reste du monde. Mais l’argument cité par le gouvernement espagnol est tristement simple : la constitution espagnole de 1978 est formelle à l’effet que l’Espagne est indivisible. Un référendum sur l’indépendance est donc anticonstitutionnel. Les Espagnols ne prennent même pas la peine de faire campagne pour le « non » ou de formuler des raisons pour inciter les Catalans à demeurer dans l’Espagne, se limitant à redire toujours la même chose : voter sur cette question est illégal.
2,3 millions de Catalans ont tout de même pris part, en vain, au scrutin interdit du 9 novembre 2014, en votant à 80,76 % en faveur de l’indépendance et à plus de 90 % en faveur d’un référendum sur la question de l’indépendance. Un résultat qui a malheureusement autant d’impact qu’un simple sondage.
Mais, en transformant les élections du 27 septembre 2015 en élections référendaires, les Catalans montrent qu’ils ne s’avoueront pas vaincus. Les partis indépendantistes ont donc décidé de former une coalition s’appelant Junts pel Sí, qui, si élue avec la majorité, procéderait à une déclaration unilatérale d’indépendance…
Le Peuple interdit offre, avec la participation d’Artur Mas, Ferran Civit, Víctor Cucurull, Montserrat Martí et Enriqueta Bru, un accès privilégié au mouvement indépendantiste catalan qu’il suit de l’intérieur sur une période de deux ans. Et je sais maintenant pourquoi il est peu probable que le Québec devienne, un jour, un pays.
Note : 8/10
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