Au cœur de la Drôme provençale, Louise (Virginie Efira) élève seule ses deux enfants et tente de préserver l’exploitation familiale. Un soir, elle manque d’écraser un inconnu au comportement singulier. Cet homme, Pierre (Benjamin Lavernhe), se révèle vite différent de la plupart des gens. Et sa capacité d’émerveillement pourrait bien changer la vie de Louise et de sa famille.
Le goût des merveilles d’Éric Besnard a remporté le Grand prix Mel Hoppenheim du festival Cinemania en 2015, récompense décernée par le public. Dans ce film sensoriel, le réalisateur choisit de mettre en scène un personnage atteint du syndrome d’Asperger. J’avais récemment abordé ce syndrome en lien avec le documentaire Transfixed.
Pierre, comme plusieurs personnes atteintes d’Asperger, est en état d’hyper sensibilité au monde. Ils ressentent les choses plus intensément : « ils vont à l’essentiel. Les petites hypocrisies du quotidien leur sont incompréhensibles. Ils ne multiplient pas les masques. Pas de jeu social. Pour eux, le mensonge est impossible : il ne représente qu’une perte de temps », expliquait le réalisateur.
Pierre vit dans le moment présent. Il est poreux à tout ce qui l’entoure, comme le spécifiait encore Besnard : « Bruits, lumières, intentions de la voix… Or Benjamin [Lavernhe] est une véritable éponge émotionnelle. » Le personnage de Pierre peut passer des heures à contempler le ciel ou une branche d’arbre. La nature est très présente dans le film et plusieurs plans sont vraiment magnifiques. La Drôme provençale a quelque chose de magique. D’ailleurs, Louise est arboricultrice, ce qui la lie étroitement à la nature. Au contact de Pierre, Louise apprend ou réapprend – la vie étant plus difficile depuis la mort de son mari – à voir la beauté du monde.
Pierre aime aussi beaucoup la lecture. Il a grandi en étant en contact avec les livres, vivant au-dessus d’une petite librairie. Il s’est lié d’amitié avec le propriétaire de la librairie (Hervé Pierre) qui veille sur lui depuis la mort de la mère de Pierre. Et les livres, il les a lus jusqu’à les apprendre par cœur. Lorsqu’une cliente entre dans la librairie à la recherche d’un livre pour son père, le libraire lui suggère Choléra de Joseph Delteil. Pierre commence alors à réciter à la cliente un passage de ce livre dans lequel l’écrivain décrit physiquement la jeune femme. Une grande poésie se dégage alors, mais Pierre semble inconscient de l’effet qu’il produit.
Le regard qu’il porte sur le monde, sa douceur, de même que ses maladresses sont empreints de poésie. Son regard est très près de celui de l’enfant qui découvre. Il a une belle naïveté. Il force, sans le vouloir, les gens qui l’entourent à prendre le temps de regarder le monde. Sa capacité d’attention charme rapidement les enfants de Louise qui se sentent alors importants sans avoir l’impression d’être surveillés ou chaperonnés.
Le goût des merveilles donne envie de prendre un temps de repos pour regarder le monde et en apprécier les détails.
Quand avez-vous regardé le ciel pour la dernière fois afin d’en déchiffrer la forme des nuages?
Note : 8,5/10
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