Il était une fois trois royaumes voisins où dans de merveilleux châteaux régnaient rois et reines, princes et princesses : un roi fornicateur et libertin, un autre captivé par un étrange animal, une reine obsédée par son désir d’enfant… Sorciers et fées, monstres redoutables, ogre et vieilles lavandières, saltimbanques et courtisans sont les héros de cette libre interprétation des célèbres contes de Giambattista Basile.
Tale of Tales est inspiré de l’œuvre de Giambattista Basile. Avec cette œuvre (Lo cunto de li cunti), l’Italie possède le plus ancien, le plus riche et le plus artistique des livres de contes populaires. Écrit au début du XVIIe siècle par Basile en langue napolitaine, et publié en 5 volumes de manière posthume à Naples de 1634 à 1636, sous le titre Lo cunto de li cunti overo lo Trattenemiento de peccerille (Le Conte des contes ou Le Divertissement des petits enfants), il sera plus tard réintitulé Il Pentamerone (cinq journées) – en référence au célèbre Décaméron de Boccace (écrit au XIVe siècle) dont il partage le schéma fondamental.
Je dois avouer que je n’ai pas lu l’œuvre de Basile. Mais, j’ai bien l’intention de le faire. Je suis intrigué. Il semble que ses nouvelles ont inspiré nombre d’auteurs après lui. Je pense entre autres à Charles Perrault un demi-siècle plus tard et aux frères Grimm deux siècles plus tard pour certains de leurs textes les plus célèbres : Cendrillon, Le Chat botté, Peau d’âne, La Belle au bois dormant ou encore Hansel et Gretel.
Mais malheureusement, là s’arrête l’éloge. En fait, si les textes originaux sont superbes, il en va autrement pour le film Tale of Tales. Malgré sa facture visuelle de grande qualité, et un générique de fin incroyablement beau, je n’ai pas réussi à apprécier les 133 minutes qui m’ont été offertes.
La trame est intéressante… Mais parmi la cinquantaine de textes de Basile, pourquoi avoir choisi les trois ici présentés? Le lien entre les histoires se fait mal. De plus, il semble que les modifications apportées aux histoires ne les ont pas aidées. Par moments, j’ai eu l’impression qu’on a dû couper dans chacune des nouvelles afin de les faire « fitter » à l’intérieur d’un temps défini. Peut-être aurait-il été plus pertinent de n’en choisir que deux, et de les traiter à fond. Du coup, chacune des histoires aurait été plus intéressante et le film aurait été un peu moins long.
Et bien que les 3 contes présentés dans Tale of Tales soient tous issus d’un même conte qui sert de cadre aux 49 autres du recueil – et dans lequel un groupe de personnes, durant cinq journées, est amené à se raconter des histoires –, on perçoit difficilement le lien entre chaque histoire. Dommage!
Je sais, je suis un puriste. Mais j’ai toujours de la difficulté avec les adaptations en anglais d’œuvres provenant d’une autre langue. Surtout lorsque le scénariste et le réalisateur sont de la même langue et de la même culture que l’auteur original. Même lorsque le réalisateur l’explique ainsi : « Si nous avons choisi l’anglais, c’est parce que cette langue est le moyen de rendre Lo cunto de li cunti, autrement dit le livre dont ont été tirés quelques-uns des contes les plus célèbres du monde, au plus large public possible. L’imagination du conte dépasse toute limite, Basile en cela est vraiment un auteur universel. En outre, l’usage de l’anglais permet de ne pas localiser de manière immédiate les paysages qui servent de décor à notre récit, et de ne pas avoir à figer ses personnages dans une couleur dialectale particulière. » Ça me dérange. Mais bon…
Et il semble que l’utilisation de l’anglais n’ait pas été la seule « trahison » (terme employé par le réalisateur) faite par l’équipe de production : « Nous avons pris d’autres libertés. Du reste, c’est dans la nature même du conte d’être continuellement traduit et réinterprété », expliquait le réalisateur en entrevue. Peut-être est-ce là le problème de ce film…
Heureusement, l’ambiance de conte est bien développée par une image magnifique et une merveilleuse musique d’Alexandre Desplat.
Je me permets de revenir sur l’œuvre originale. On dit d’elle qu’elle est écrite dans « une langue jubilatoire, un style mêlant érotisme et violence, élégance et grotesque, code d’honneur et paillardise, [et où] l’auteur nous dépeint avec un art consommé et une vigueur extraordinaire une incroyable galerie de portraits moraux et de tableaux de mœurs. Sorcières, ogres, rois et princesses, dragons et animaux enchantés ont cependant dans ces récits un aspect extrêmement réaliste et Basile les fait se mouvoir dans un monde populaire, à la fois riche et miséreux, très physique et sanguin : le décor des contes est donc celui de la vie quotidienne d’hommes et femmes en chair et en os, où un beau jour font brusquement irruption l’élément extraordinaire, la magie, le monstrueux, le miracle. » Voici ce que j’aurais aimé ressentir en regardant le film. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
Mais si je n’ai pas aimé le film, pourquoi ai-je envie de lire les contes de Basile? Parce que malgré le fait qu’ils datent de près de quatre siècles, les thèmes sont encore très actuels : le violent désir de jeunesse et de beauté, que Basile décrit de manière même hyperréaliste, en offrant avec quatre siècles d’avance une satire de la chirurgie esthétique d’aujourd’hui, l’obsession d’une mère prête à tout pour avoir un fils, le conflit entre les générations et la violence qu’une jeune fille doit affronter pour devenir adulte.
Alors, regardez Tale of Tales afin de vous donner envie de lire les textes originaux. Puis, on se reparlera de nos lectures par la suite…
Note : 5/10
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