Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat (Anthonythasan Jesuthasan), une jeune femme (Kalieaswari Srinivasan) et une petite fille (Claudine Vinasithamby) se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
Gagnant du grand prix de Cannes en 2015, Dheepan de Jacques Audiard arrive enfin au Québec. Je dois avouer que je suis allé voir ce film un peu à reculons. Je n’ai pas particulièrement aimé De Rouille et d’os, et j’ai toujours un peu peur lorsque je vais voir un film ayant remporté un grand prix. Mais cette fois-ci, je n’ai pas été déçu.
Avec la crise des migrants qui fait actuellement rage en Europe, Dheepan arrive, disons, au bon moment. Bien qu’on ne parle pas de la même époque ou de la même crise, on reste dans le thème de l’immigration clandestine et, surtout, des réfugiés. Dheepan, Yalini et Illayaal se voient forcés de cohabiter pour réussir à quitter le Sri Lanka et ne pas se faire renvoyer chez eux, alors que la guerre civile fait rage.
Avec Dheepan, Audiard se lance dans un sujet difficile, qui n‘a jamais été traité auparavant : la guerre de libération de l’Îlam Tamoul. D’ailleurs, Anthonythasan Jesuthasan, l’acteur principal pour qui il s’agit d’un premier rôle au cinéma, a été enrôlé à l’âge de seize ans par les Tigres de Libération de l’Îlam Tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam = LTTE) avec qui il s’entraîne et combat comme enfant soldat jusqu’à l’âge de 19 ans. Il fuit ensuite son pays et s’installe en Thaïlande où il vit pendant quatre ans, avant de rejoindre la France en 1993. Il a alors 25 ans et demande l’asile comme réfugié politique, qu’il obtient. Là il multiplie les petits boulots : employé de supermarché, cuisinier, homme de ménage, groom dans un hôtel d’Eurodisney… Donc, en s’engageant dans le tournage de Dheepan, il avait une bonne idée de ce pouvait être la vie son personnage.
Pour Kalieaswari Srinivasan, il s’agit aussi d’un premier rôle au cinéma, bien qu’elle soit comédienne en Inde. De plus, afin de bien compléter le tableau, l‘équipe d’Audiard a trouvé une jeune fille de 9 ans, sans expérience cinématographique non plus. Mais, selon le réalisateur, il s’agit là d’une incroyable trouvaille. Il disait en entrevue : « Alors elle, elle est un peu surdouée. Surdouée en tout je crois. Quand je pense qu’elle avait neuf ans lors du tournage, je n’en revenais pas. Elle est vraiment très fine. Très intelligente. » Il s’agit d’un personnage important, car, comme c’est souvent le cas lors de l’immigration, la petite fille précède les parents dans l’apprentissage de la langue.
Elle a aussi un rôle moteur dans le développement de la famille. C’est elle qui relie ses faux parents l’un à l’autre. Elle est la première à aller vers ce faux père. Elle établit ensuite ce curieux arrangement avec sa fausse mère en lui disant quelque chose du genre : tu ne veux pas être ma fausse mère, sois au moins ma fausse sœur, ça ira déjà mieux.
Dheepan n’a pas seulement été joué par les acteurs, mais aussi par les lieux. Le tournage à la Coudraie n’a pu qu’influencer un peu le film. Trouver ce lieu n’a pas été facile expliquait le réalisateur, car ce genre de cité n’existe pratiquement plus. Le style de cet endroit était extrêmement important, car il devait être propice à la confrontation et à l’idée d’un « No Fire Zone ».
Décors parfaits, comédiens parfaits, scénario solide et réalisation menée de main de maître, Dheepan n’avait d’autre choix que de devenir un grand film.
Note : 9/10
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