Montréal, printemps 1966. Jean Corbo (Anthony Therrien), 16 ans, né d’une mère québécoise et d’un père italien, est divisé entre ses deux appartenances. Après s’être lié d’amitié avec deux jeunes militants d’extrême gauche (Antoine L’Écuyer et Karelle Tremblay), il rejoint le Front de libération du Québec. Un groupe radical et clandestin qui souhaite déclencher une révolution dans la province. Jean, dès lors, marche inexorablement vers son destin.
Mathieu Denis a scénarisé et écrit Corbo, son premier long métrage en solo. Il avait coécrit et coréalisé Laurentie avec Simon Lavoie, en 2011. C’est le père de Mathieu Denis qui lui a parlé en premier de l’histoire de Jean Corbo, et ce récit a marqué le jeune homme. Le réalisateur se questionnait aussi sur les raisons qui auraient poussé un adolescent de 16 ans, issu d’une bonne famille, à militer de cette façon.
Pour son film, il a fait une longue recherche documentaire. Les événements entourant le FLQ en 1966 sont beaucoup moins documentés que ceux d’octobre 1970. Et je dois dire que je ne connaissais pas ce pan de l’histoire du mouvement. Mais il y a eu, sur une dizaine d’années, plusieurs petites cellules du FLQ.
Jean Corbo est à la fois Canadien-français et Italien. Il parle français, va dans les meilleures écoles, mais est considéré comme un Wop, un étranger. Son père est libéral et son grand frère est partisan du RIN. Déjà un clivage des opinions existe au sein de sa famille immédiate. Et quand il veut se joindre au FLQ, les responsables de la cellule, Pierre Vallières et Charles Gagnon, doutent qu’il soit à sa place parmi eux. Il cherchera à leur prouver qu’il pense comme eux même s’il ne vit pas dans la misère.
Jean Corbo avait des idéaux qu’il croyait servir en posant des gestes concrets. Il croyait que les petits attentats à la bombe (où on essayait que personne ne soit blessé) aideraient, comme on lui répétait dans les réunions, à ouvrir les yeux des gens et qu’ils se joindraient au rang du FLQ pour défendre la nation. Et ce sont les jeunes recrues du FLQ qui prenaient les plus grands risques…
Ces événements sont toujours d’actualité comme l’expliquait Mathieu Denis : « Outre la question identitaire, on pourrait voir une certaine similitude entre la ferveur militante et politique qui régnait à travers le Québec en 1966, et les événements qui se sont produits ici dans les milieux étudiants – et au-delà – au cours du printemps 2012, voire même avec ce qui s’est produit dans le monde arabe au printemps 2011. En fait, j’ai l’impression que ceux qui ont milité intensivement pour la cause étudiante au Québec, ou pour l’avancement de la démocratie dans le monde arabe, sans que cela n’ait un réel impact sur le monde dans lequel ils vivaient, se retrouvent aujourd’hui devant un horizon qui doit leur apparaître aussi bouché que celui qui s’érigeait devant les felquistes de 1966. »
Le printemps 2012 a été un bel exemple de solidarité sociale. Le mouvement de cette année n’a pas l’ampleur du précédent. Mais il témoigne d’une grande volonté de changer les choses. Malheureusement, des actes radicaux comme ceux de 1966 ne servent habituellement pas les causes défendues. Souvent, on pointe les responsables du doigt et on cherche à s’en dissocier.
Et le sort du Québec actuel m’inquiète, avec ses politiques d’austérité. Il faudra réussir à faire passer pacifiquement nos idées et nos revendications. Mais pour ce faire, il faudra qu’une majorité se rallie à la cause.
Corbo est un bon film, une petite leçon d’histoire pour ceux qui circulent sur les routes du Québec avec, sur la plaque de leur voiture, un « Je me souviens » souvent vide de sens.
Note : 8/10
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