Il y a, dans la vie de chaque homme, un moment clé où il se retrouve face au système, au « monde » et où il doit défendre son sens de la justice, son sens de Dieu sur Terre.
Andreï Zviaguintsev
En mai dernier, au Festival de Cannes, le cinéaste russe Andreï Zviaguintsev remportait le Prix du scénario pour son film Léviathan. Le 11 janvier 2015, il raflait le Golden Globe du meilleur film étranger. Et il est maintenant en lice pour l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère.
Kolia (Alexeï Serebriakov) habite une petite ville au bord de la mer de Barents, au nord de la Russie. Il tient un garage qui jouxte la maison où il vit avec sa jeune femme Lilya (Elena Liadova) et son fils Roma qu’il a eu d’un précédent mariage. Vadim Cheleviat (Roman Madianov), le maire de la ville, souhaite s’approprier le terrain de Kolia, sa maison et son garage. Il a des projets. Il tente d’abord de l’acheter, mais Kolia ne peut pas supporter l’idée de perdre tout ce qu’il possède, non seulement le terrain mais aussi la beauté qui l’entoure depuis sa naissance. Alors Vadim Cheleviat devient plus agressif…
Le rendu photographique est particulièrement beau. Les premiers plans montrent une nature toute puissante. L’écume sur une mer agitée, la dureté du roc, des plages de rochers… Le tout suivi d’images montrant l’impuissance de l’homme face à une telle fureur : des épaves de navires, des baraques abandonnées, une église à moitié démolie… Cette agitation et ce déséquilibre se manifesteront autrement dans les rapports entre les différents personnages.
Kolia cherche à faire arrêter l’acte d’expropriation qui le forcera, lui et sa famille, à quitter sa maison. Il entreprend alors de se défendre en suivant les règles du système. Mais ce système est-il juste? La corruption de certaines instances de l’État devient évidente. Et des jeux de pouvoir se mettent en place.
On comprendra aussi qu’il s’agit plus largement d’une lutte contre plus d’une instance du pouvoir, comme en témoignera une partie de tirs entre amis où ils utiliseront des cibles particulièrement éloquentes. Et cela reflète également le climat souvent tendu entre l’Homme et l’État. Mais comme ajoutait le réalisateur, cela n’est pas propre à la Russie : « Je suis, cependant, profondément convaincu que, quelle que soit la société dans laquelle chacun de nous vit, de la plus développée à la plus archaïque, nous serons forcément tous confrontés un jour ou l’autre à l’alternative suivante : vivre en esclave ou vivre en homme libre. »
Plusieurs scènes nous montrent les personnages en pleine beuverie. La vodka coule à flot et nous les présente comme des êtres vulnérables et décrépits. Les passions sont alors exacerbées, en amitié comme en amour.
Léviathan présente de fortes passions, des personnages corrompus, d’autres brisés, d’autres encore plein d’espoir ou de rage. Le tout s’inscrivant dans des paysages d’eau et de fureur.
Note : 8,5/10
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