C’est le 24 octobre 1943 que Saint-Denys Garneau mourait. Soixante-dix ans ont passé et c’est avec plaisir que j’ai réécouté le film Saint-Denys Garneau (1960) de Louis Portugais, sur un scénario d’Anne Hébert, narré par Charlotte Boisjoli. Tout comme pour le film La Canne à pêche, Michel Brault assurait la direction de la photographie. Le film présente la vie du poète, les événements marquants, entrecoupés de quelques strophes de ses poèmes dont « Le Jeu », « Accompagnement » et « C’est là sans appui ».
Le texte d’Anne Hébert est très beau et attentif à l’homme qu’a été son cousin ainsi qu’au regard qu’il portait sur le monde. Le premier plan du film nous montre une porte ouverte, celle de la chambre du jeune homme. On avance tranquillement vers la fenêtre ouverte et on s’échappe dans la campagne. On refait « le trajet de son regard sur le monde ». La scénariste insiste sur l’importance de son regard, on observe la nature comme le peintre a pu le faire avant nous. Un long plan nous montre le torrent de Sainte-Catherine, torrent que l’on retrouve dans le poème « C’est là sans appui » : « Mais laissez-moi traverser le torrent sur les roches/Par bonds quitter cette chose pour celle-là ».
Lorsqu’il est question de la parution du recueil Regards et jeux dans l’espace, on observe la vitrine d’une librairie devant laquelle une jeune femme s’installera pour regarder les ouvrages. Une surpression d’autres visages sur le sien montre ainsi les nombreux regards qui ont été portés sur le recueil, regards qui ont alimenté l’impression du poète « d’être offert sur la place publique, jugé et condamné ».
On refait le parcours de Saint-Denys Garneau entre Montréal et Sainte-Catherine, en passant par son court séjour en France. Dans l’un des derniers plans, on arpente la rivière, comme si nous étions dans un canot. On raconte alors les dernières heures du jeune homme, sa mort après une promenade en canot éprouvante.
Mais l’essentiel de ce court documentaire porte sur le regard, sur l’importance du regard. Le poète a pris le temps d’observer la campagne, le monde qui l’entourait. Saint-Denys Garneau nous permet de suivre les traces de l’homme, de mieux le connaître et le comprendre.
Un film à l’image soignée où les mots de l’un de nos plus grands auteurs québécois nous permettent de revivre quelques moments marquants de la vie de Saint-Denys Garneau.
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