C’est le 1er novembre que le film d’Éric Morin, Chasse au Godard d’Abbittibbi, prend l’affiche. Si certains d’entre vous se posent des questions sur ce titre surprenant, il s’agit en fait d’une référence à la visite de Jean-Luc Godard à Rouyn-Noranda en Abitibi, en décembre 1968.
Pour connaître les motivations du grand cinéaste franco-suisse à venir passer quelques semaines au Québec, je vous suggère de visionner le court métrage documentaire Mai en décembre (Godard en Abitibi) (2000) de Julie Perron. En ligne sur le site de l’ONF, ce petit film de 25 minutes vous permet, à travers des images d’archives vidéos, sonores et visuelles, de vivre ou revivre cette visite. Six participants viennent témoigner dont Alain Laury et Pierre David, tous deux cinéastes de l’Atelier de recherche cinématographique (ARC) en 1968, et Pierre Harel, un cinéaste québécois qui accompagne Godard pendant son séjour.
Il faut maintenant remonter dans le temps. Après avoir filmé les événements de mai 1968 en France, avoir ainsi pris part à cet important mouvement en témoignant par images des conflits, on souhaite continuer à rendre compte des luttes et des réalités sociales de l’époque. À l’automne 1968, Jean-Luc Godard est invité au Québec. On lui permettra de prendre parole dans les médias. En décembre, il se rend à Rouyn-Noranda, où il doit passer quelques jours. Il brise les normes télévisées en filmant hors des studios (par exemple dans les toilettes), discute avec les techniciens au cours d’une émission, sort du champ de la caméra, etc.; il dérange les conventions. Il va aussi rencontrer des ouvriers des mines et des étudiants pour faire des débats, récolter leurs opinions. Pierre Harel confiera que Godard venait tenter une expérience qui devait le mener à la réalisation d’un film de fiction : Vidéo guerrier. Mais le projet n’aboutira pas.
Je vous laisse maintenant sur cette intervention de Louise Bédard, animatrice sociale à Rouyn-Noranda en 1968, qui livre ce qu’elle considère comme les motivations du cinéaste : « Godard venait dire très fortement qu’indépendamment de toutes les difficultés qu’une collectivité peut vivre, si c’est pas su par les autres personnes dans la collectivité, ces événements n’existent pas et n’amènent pas de changement. »
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