Le dernier film de Catherine Martin, Une jeune fille (2013), est maintenant à l’affiche. Chantal (Ariane Legault) prend soin de sa mère malade. Quand celle-ci décède, plus rien ne retient la jeune fille d’un quinzaine d’années. Elle part en Gaspésie, à la recherche du paradis perdu de sa mère. Errante, Serge (Sébastien Ricard) la recueille chez lui et la fait travailler sur sa ferme. Une relation d’amitié, presque fraternelle, se développera à travers les silences.
Pendant le premier plan, où on observe les nuages, on est porté par le bruit de la respiration de Chantal. Un son apaisant, un doux bruit de vent. Dans le dernier plan, sa respiration envahit de nouveau nos oreilles. Le vent est d’ailleurs très important dans ce film, où en exergue, on nous offre une citation de saint Jean : « Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. » (3,8) Je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec Les Fous de Bassan d’Anne Hébert qui se déroule dans un lieu imaginaire, quelque part en Gaspésie. Le vent est, comme l’affirme le personnage de Stevens Brown dans une lettre écrite à l’automne 1982, déterminant : « Dans toute cette histoire, je l’ai déjà dit, il faut tenir compte du vent. Du commencement à la fin. » Les paysages d’eau y sont assez semblables. Dans Une jeune fille, le paysage est souvent peu accueillant. La mer houleuse et les plans d’eau pleins de remous témoignent du trouble des personnages.
Les plans sont statiques. À quelques reprises, il y aura de légers déplacements de caméra, si rares qu’ils deviennent déstabilisants. On est dans la contemplation. Si vous aimez cette esthétique, ce film rappelle Gerry (2002) de Gus Van Sant, où tous les plans, un paysage ou un dialogue entre les deux personnages principaux, sont de la même longueur. Plus près de chez nous, on peut penser à Le Météore (2012) de François Delisle, tout entier narré en voix-off, où le paysage est essentiel à la compréhension des personnages.
Catherine Martin confiait en entrevue qu’elle s’était librement inspirée de la Mouchette de Bernanos, de la vie intérieure et de la solitude de la protagoniste du roman, au moment de créer le personnage de Chantal. Le film, malgré tous les silences qui sont souvent très parlants, témoigne de l’amour commun de Chantal (qui se fait appeler Anne-Marie) et de Serge pour la terre. Comme deux bêtes sauvages, ils tentent de s’apprivoiser, de se construire une confiance. Dans un univers de sérénité commun, par la nature et la musique classique, les rapprochements deviendront possibles.
Une jeune fille est un film lent, où il n’y a pas de réponse à la détresse des personnages, et peu de dialogues et d’action. Ce long métrage est pourtant excellent et magnifique. Les personnages vivent dans le moment présent, sans chercher à se projeter dans l’avenir, à savoir ce qu’ils feront quand l’hiver arrivera. C’est le récit de deux êtres écorchés; le face à face de deux solitudes.
Note : 8,5/10
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