Le film français Dans la maison (2012) de François Ozon, assez largement diffusé, est sorti vendredi en salles. Il avait, le 16 septembre dernier, reçu le Prix Fipresci, une distinction de la presse critique cinématographique internationale, à l’important Festival international du film de Toronto (TIFF). Une semaine plus tard, il remportait le Coquillage d’Or du meilleur film au Festival de San Sebastian, en Espagne. Et, il a été nommé dans 6 catégories au César du 22 février 2013. On y raconte l’histoire de Germain (Fabrice Luchini), enseignant de littérature au collège. Découragé des piètres performances de ces élèves, l’un d’eux se démarquera par son talent d’écriture. Claude (Ernst Umhauer) écrit un récit sur les Rapha, la famille d’un autre élève de la classe, en les observant dans la maison de ceux-ci. Ce récit, de plus en réaliste, devient dangereux.
Son récit est-il une parodie? Une représentation fidèle de la réalité des Rapha? Le professeur de plus en plus entraîné dans l’histoire, incapable d’arrêter sa lecture, encourageant son élève dans sa rédaction, lui proposant différentes avenues à explorer, va jusqu’à se compromettre. Il écrit, d’une certaine manière, par l’entremise de Claude, le bon livre qu’il n’a jamais réussi à faire.
Le générique d’introduction est très intéressant. Des photos des élèves (non il faut maintenant les appeler « apprenants », c’est plus positif) du collège Gustave Flaubert défilent rapidement, dans un quadrillé, en s’alternant. Garçons et filles, vêtus d’un même uniforme, se confondent, se superposent. L’uniforme vient d’ailleurs d’être imposé aux élèves et on débat sur sa pertinence. Ce débat ne vient pas des élèves eux-mêmes qui le subissent, mais des professeurs qui sont maintenant confrontés à un même troupeau de moutons, tous identiques…
On interroge aussi la société. Toujours dans la crainte que des barbares détruisent le monde, Germain croit que ces barbares sont peut-être en ce moment sur les bancs d’école, désabusés. Leur incapacité d’imaginer lui fait craindre le pire pour l’avenir. Ils lui apparaissent sans mot et sans idée. Mais Claude saura se démarquer du groupe.
On réfléchit également sur la pertinence de la littérature et de l’art en général. Apportent-ils vraiment quelque chose à nos vies ou cela n’est-il qu’un divertissement? La femme de Germain (Kristin Scott Thomas), qui lira les compositions de Claude avec le même intérêt que son mari quoique plus consciente des dangers, dirige une galerie d’art. Entre une exposition sur la sexualité et la dictature et une autre d’une peintre chinoise sur des variations de couleurs dans le ciel, on peut s’interroger sur l’interrelation de l’art et de la société.
Le plus intéressant dans ce film d’Ozon est qu’on ne sait pas vraiment ce qui relève de la fiction romanesque de ce qui relève de la réalité. Pas de réponses claires ne seront fournies et c’est cette indétermination qui fait la force du film. Peut-être pourrait-on, à ce niveau, comparer Dans la maison au film 8½ (1963, Fellini) pour la manière dont les scènes réelles et celles de la fiction sont intercalées sans distinction pour le spectateur.
Pour revoir Luchini exprimer une même passion pour la littérature, rendez-vous au cinéma le 3 mai prochain pour Molière à bicyclette.
Note : 8,5/10
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