La sortie de Ginger & Rosa n’a pas fait parler beaucoup. C’est dommage, car il s’agit d’un très bon film. En 1962, alors que le monde vit sous la terreur de la crise des missiles cubains, Ginger (Elle Fanning) et Rosa (Alice Englert), qui sortent à peine de l’enfance, se demandent dans quel genre de monde elles vivront demain. Malgré l’ambiance triste et désarmante, les deux amies entrent de plain-pied dans l’adolescence, avec tout ce que cela implique de découvertes, de surprises et de déceptions. Alors qu’il devient de plus en plus évident que la Terre sera toujours là demain, c’est au tour de leur amitié, qu’elles croyaient pourtant inaltérable, d’évoluer dans une direction imprévue. Prise entre les valeurs de leurs parents et celles de leur époque, les deux amies verront leur monde chamboulé à jamais.
Ginger & Rosa est un film qui s’inscrit dans la catégorie du réalisme social. La réalisatrice, Sally Potter, propose un film engagé dans lequel Elle Fanning est tout simplement sublime. Potter valorise, tout au long du film, l’activisme engagé. Les personnages du long métrage sont presque tous politisés et ceux qui ne le sont pas sont jugés. C’est aussi l’époque où les femmes commencent à s’émanciper. D’ailleurs, Ginger veut être une poète. C’est probablement l’image de sa mère, qui elle voulait être peintre et qui a tout abandonné pour être mère, qui encourage la jeune femme à persévérer. Mais la vie n’est pas facile pour ces femmes qui ne respectent pas la convention qui dit que : « les hommes n’aiment pas les femmes qui sont trop sérieuses ou qui réfléchissent trop ».
En même temps, l’amitié des jeunes filles se développe de façon très fusionnelle. Ginger voit sa meilleure amie comme un modèle. Mais, plus elles avancent en âge, plus Ginger réalisera que Rosa n’a aucune conviction autre que de croire en l’amour romantique. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte augmentera la différence de vision entre les deux jeunes filles. Le manque de jugement et de prise de responsabilité du père de Ginger participera à détruire la relation des adolescentes. Il fait partie de ces gens qui utilisent toutes sortes d’excuses pour se déresponsabiliser. Pour lui, le fait d’être un anarchiste, contestataire de l’autorité, l’excuse de ne pas prendre soin de sa femme et de sa fille.
Le film se déroule à une époque difficile pour les Anglais. La Deuxième Guerre mondiale ayant laissé de profondes cicatrices et la crise des missiles qui bat son plein n’aident pas Ginger à s’épanouir. Elle admire cette amie, qui maintenant refuse toute responsabilité, car ce qui arrivera est « entre les mains de Dieu » et que ce qu’elle fait ne changera pas ce qui doit arriver dans le grand dessein divin. Ce modèle commence donc à s’effriter. Surtout que, pour Ginger, il faut agir, car la Terre sera anéantie par la guerre qui se dessine.
Malheureusement pour Ginger, la perspective de guerre jumelée au comportement irresponsable de son père et celui de Rosa (qui décide de vivre ses fantasmes au détriment des sentiments de son amie) la mettra dans une situation psychologique précaire qu’elle aura beaucoup de difficulté à gérer.
Ginger & Rosa est un film superbe avec de très solides performances. Le sujet est bien maîtrisé et traité de façon intelligente. Je vous le conseille fortement.
Note : 9/10
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