Sorti en DVD au Québec à la fin de l’année 2012, le film Elles (2011) de la réalisatrice Malgorzata Szumowska fait une incursion dans le monde de la prostitution. Anne (Juliette Binoche), journaliste d’investigation, travaille à un article sur la prostitution, voulant connaître les raisons qui poussent des filles à commencer une telle activité et ce qu’elles y retrouvent comme motivations. Elle rencontre deux jeunes femmes, Alicja (Joanna Kulig) et Charlotte (Anais Demoustier), de qui elle s’inspire pour son article. Il faut dire que ces filles ne font pas le trottoir et restent plus libres des choix de leurs clients. Après cette expérience, Anne porte un regard différent sur sa propre vie.
La chronologie du film est déconstruite. Le premier plan montre Anne qui est sur le point de terminer son article. Le spectateur rencontre la famille d’Anne et est ensuite projeté dans les souvenirs de la journaliste qui se remémore pour mieux rendre cette réalité qui n’est pas la sienne. On assiste ensuite aux entrevues qu’elle a eues avec Charlotte et Alicja, le tout entrecoupé des souvenirs des jeunes femmes avant qu’elles ne débutent dans le métier ainsi que certaines scènes avec leurs clients ou leurs proches. Cette technique de déconstruction est intéressante et montre bien l’évolution de la protagoniste.
Revenons brièvement sur le premier plan dans lequel défile le générique du début. La caméra tremble un peu, faisant ainsi bouger le texte. Cela est un peu agaçant et dérangeant du fait que ça ne semble pas motivé ou prévu. Autrement, on retrouve plusieurs longs gros plans au cours des entrevues où on ressent bien le malaise entre Anne qui questionne et l’interviewée qui ne répond pas toujours. Ces plans statiques, silencieux, dans l’attente, sont très forts. Après ces rencontres, Anne semble remettre en question sa propre vie. Elle en perçoit le côté faux et son comportement change. La musique occupe une place importante dans sa vie et lui permet de s’évader. Ce sera par l’entremise d’une chanson, lors d’une des dernières scènes qui est particulièrement réussie, que le personnage se propulsera dans un monde de souvenirs relatifs à ses entrevues qui surpasse sa réalité.
Le jeu des jeunes comédiennes est assez bon. Dans l’ensemble, les jeunes femmes traitent du monde de la prostitution de façon positive, presque joyeuse. Jusque-là, ça ne me pose pas de problème. Là où j’accroche, c’est qu’on nous montre deux scènes où l’aventure ne tourne pas très bien et deux autres où des conflits familiaux ou amoureux se posent en raison des activités secrètes de Charlotte et d’Alicja, et on n’appondit aucun de ces cas. Pourquoi montrer ces scènes si on fait abstraction du drame qu’elles contiennent? On aurait dû creuser davantage de ce côté d’autant plus que le film n’est pas trop long, tout juste 100 minutes.
Malgré ces quelques critiques, je crois que Elles est un film qui vaut la peine d’être vu par le traitement non moralisateur réservé à un sujet délicat et sa façon de mettre de l’avant la sensualité féminine.
Note : 7,5/10
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