Le Torrent – Un pari risqué…

Le Torrent (2012) de Simon LavoieIl fallait de l’audace pour s’attaquer à une œuvre aussi reconnue et estimée que « Le Torrent » d’Anne Hébert. Cette nouvelle écrite en 1944-1945 est devenue un classique de la littérature québécoise. Le Torrent de Simon Lavoie est un très beau film, je dois dire. François est élevé dans un domaine isolé par Claudine, une mère stricte et dure. Elle lui inflige des châtiments corporels afin de le dompter contre le mal et un jour elle le frappe si fort à la tête qu’il en devient. Après la mort de Claudine, il est incapable de vivre normalement. Détruit de l’intérieur, il ne réussit pas à communiquer.

Les traitements de l’image et du son sont assez bien réussis. Les plans de nature sont magnifiques ainsi que les nombreux plans d’eau (vagues qui déferlent, ruisseau qui s’écoule, etc.) qui viennent rythmer le film et marquer le lien qui unit François au torrent. Dans d’autres plans, la caméra tremble ou l’image se brouille ce qui vient marquer le trouble du héros. Le rendu sonore est aussi intéressant : un crissement mêlé au déferlement de l’eau permet d’entrer dans la tête du sourd.

Claudine, dans Le torrent
Claudine

Cependant, le film peut être difficile à suivre pour quelqu’un qui n’a pas lu la nouvelle. Personnellement, je l’ai peut-être trop lue pour pleinement apprécier le film. Je ne vois pas la nécessité de déconstruire l’histoire. Le fait que François soit sourd ne constitue en rien une énigme dans la nouvelle, pourtant ce n’est qu’à plus de la moitié du film que cela sera clairement expliqué. Les continuels retours en arrière ne servent pas le récit. Une plus grande linéarité avec quelques retours permettrait d’y voir beaucoup plus clair.

Amica, présentée comme une jeune Amérindienne (le choix de Laurence Leboeuf pourrait être discuté puisqu’elle n’en a pas les traits quoique son jeu soit bon), est beaucoup plus humaine et douce que dans la nouvelle. Elle n’a pas la force et le cran de son double papier qui, lui, ne semble pas intimidé par François ou sa demeure. Et je ne comprends pas le choix de prendre la même interprète pour Claudine jeune femme.

Les passages du « Torrent » lu en voix off sont intéressants, mais peut-être le ton est-il un peu forcé par moments. À la fin, la voix de l’interprète se fait plus naturelle ce qui était mieux. Quant aux citations de l’auteure sur fond noir, elles sont écrites trop petites. Le poème au début est illisible.

Comme Simon Lavoie le confiait en entrevue en octobre dernier à Chantale Guy de La Presse : « le film est un objet propre, il est autre. Je me suis vraiment approprié cette nouvelle et ce qui est particulier, c’est qu’au final, je suis retourné assez près de ce que c’était. » Une adaptation est inévitablement différente de l’objet premier, mais je m’attendais à ce que l’on reste plus près du texte notamment quant à certaines relations entre les personnages.

Note : 6,5/10

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