À 13 ans (Sophie Nélisse), Simone est témoin du meurtre de sa mère (Monia Chokri). Pour la guérir de son choc, on l’hypnotise afin qu’elle revive l’évènement traumatisant. Nous plongeons alors dans son inconscience à différentes époques de sa vie. À 25 ans (Mylène Mackay), aux prises avec une culpabilité obsessive, elle confronte le meurtrier de sa mère. Puis, à 60 ans (Lise Roy), physicienne épanouie, elle donne une conférence sur la nature étrange du temps. Endorphine est un voyage viscéral et hypnotique à travers 3 histoires qui, comme des rêves, déjouent le réel et le temps.
Endorphine d’André Turpin est un film comme on en voit peu au Québec. Par sa construction et la confusion volontaire qui y règne, on pourrait parfois penser aux films de David Lynch. Et, à la fin du film, on n’obtiendra pas toutes les réponses et c’est tant mieux. Avons-nous affaire à une même femme à trois âges, sommes-nous en présence d’univers parallèles ou au cœur d’un rêve? Cela correspond d’ailleurs à la volonté du réalisateur : « Mon souhait est que cette absence de réponse définitive laisse le film ouvert et crée un effet plus durable. »
Turpin s’est ainsi « battu », pour reprendre son expression, pendant huit sur un scénario où il était question de la nature du temps : relativiste, quantique, discontinu, cyclique. Mais il lui manquait quelque chose, jusqu’à ce qu’il ajoute une part d’inconscience : « L’inconscience, comme le cinéma, est un sujet idéal pour évoquer la vraie nature du temps. Car c’est dans notre expérience du rêve, de la transe hypnotique, de la mémoire, de la perte de conscience aussi, que nous nous rapprochons le plus d’une sensation d’un temps non linéaire et d’une chronologie discontinue. »
On suit ainsi les personnages de Simone, trois femmes (ou une seule, c’est selon), à trois âges. Leur rapport au temps est différent. À 13 ans, Simone vit une « transe hypnotique », liée à une expérience traumatisante. À 25 ans, c’est la « culpabilité obsessive du personnage » qui la mène dans un temps que le réalisateur qualifie de « psychologique ». Simone peine alors à s’ancrer dans le réel, à se lier avec les autres, obsédée qu’elle est par des images du passé. Et à 60 ans, elle réfléchit à la nature du temps en physique. Beaucoup plus rationnelle et posée que les deux Simone qui la précèdent, elle tente de décortiquer cette entité complexe et plurielle. Le film nous transporte ainsi dans trois univers différents, mais qui semblent reliés malgré tout.
Dès le premier plan du film, on comprend que l’expérience sera différente. Chaque pas du personnage de Simone (13 ans) provoque un genre de coupure. L’image ne défile plus à 24 images par seconde, comme c’est le cas au cinéma, mais elle devient saccadée. Le personnage s’en aperçoit et tente de comprendre ce qui est en train de se produire. On est évidemment dans le rêve ou dans un univers autre engendré par l’hypnose. On ne peut le dire avec certitude.
Le film est ainsi à l’image du titre : « L’endorphine est une hormone produite et libérée par le cerveau lors de la douleur, le stress, la peur, l’orgasme. C’est un dénominateur commun des trois personnages. De plus, ce mot évoque et propose une expérience sensorielle davantage qu’une expérience intellectuelle », comme le confiait André Turpin.
Endorphine est une expérience, une dérive, un dérapage. Qu’est-ce que le temps nous réserve encore?
Note : 8,5/10
Le film fait partie de la sélection officielle au Festival international du film de Rotterdam (IFFR), aux Pays-Bas, qui se tiendra du 27 janvier au 7 février 2016. Nous souhaitons bonne chance à toute l’équipe.
© 2023 Le petit septième