Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman (Stellan Skarsgård) découvre Joe (Charlotte Gainsbourg) dans une ruelle, rouée de coups. Après l’avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours. Nymph()maniac est la folle et poétique histoire du parcours érotique d’une femme, de sa naissance jusqu’à l’âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s’est autodiagnostiquée nymphomane.
Encore une fois, Lars von Trier réussit à choquer. Du premier plan – un écran noir avec des bruits d’eau qui coule – jusqu’au dernier – Joe qui hurle de colère, car elle ne ressent plus aucune sensation au niveau du clitoris – ce film pousse, jusqu’au bout, les limites du cinéma. En fait, je pourrais même dire que le film choque avant même de commencer, car une notice nous informe que le film que nous allons voir nous est présenté dans une version censurée, mais acceptée par le réalisateur (comme ce fut le cas pour Antichrist en 2009).
Le plan noir du début est immédiatement suivi d’un superbe traveling nous montrant un décor de ruelles avec des murs de briques, sombres et peu rassurantes. On y découvre Joe, étendue par terre et inerte. C’est là que Seligman la recueillera et que la femme commencera son récit. Récit qui sera découpé en huit chapitres (5 dans le premier film).
La première partie raconte les aventures de Joe de la naissance jusqu’à ce qu’elle soit dans la vingtaine avancée (jouée par Stacy Martin). Avec Nymph()maniac, von Trier raconte non seulement le récit d’une femme nymphomane, mais aussi l’histoire entre une fille et son père. On y découvre une jeune fille qui admirait son père et qui détestait sa mère. C’est d’ailleurs la jeune femme qui veillera son père lorsqu’il sera malade. Chose étrange, cette relation père/fille nous paraît malsaine au début. Cette vision est probablement amenée par le fait qu’on voit constamment la jeune femme baiser avec des hommes de tous âges. Un sentiment dont il sera difficile de se débarrasser tout au long du film.
Mais ce qui est particulièrement brillant, ce sont les comparaisons faites par Seligman et Joe lorsque celle-ci raconte ses chapitres. À chaque histoire sexuelle, un lien sera fait avec diverses activités « normales ». Par exemple, Seligman comparera la séduction à la pêche. Lui et Joe conviendront que la technique pour appâter un poisson est la même que pour appâter un homme. Il y aura aussi une comparaison entre les trois hommes importants de la vie de Joe et la plus grande composition de J.-S. Bach, une pièce à trois voix (voir image à la une).
Même si je n’ai pas trouvé le film aussi choquant qu’anticipé, certaines personnes pourraient l’être par les thèmes que le réalisateur traite. Il ne se gêne pas pour montrer que les enfants ont une sexualité, en montrant Joe et B. (sa meilleure amie), à environ 6 ans, qui s’allongent par terre et se frottent sur le plancher pour stimuler leur corps. Puis, on les voit adolescentes se mettant au défi de baiser avec le plus d’hommes possible dans un laps de temps préétabli. La gagnante remporte un paquet de chocolats.
Une fois de plus, von Trier utilise la narration pour raconter son histoire. Cela permet de raconter plusieurs anecdotes, dont la signification des chiffres 3 + 5, ou que si on additionne la distance que donnerait tous les prépuces coupés depuis la nuit des temps, on arriverait à faire l’aller-retour entre la terre et Mars.
Nymph()maniac nous promène entre érotisme, sensualité, excitation, questionnements, hystérie et sensations. Encore une fois, et ce malgré la censure, Lars von Trier réussit à créer une œuvre d’une grande force.
Note : 9/10
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