Tom (Xavier Dolan), un jeune publicitaire, voyage jusqu’au fin fond de la campagne pour les funérailles de son amoureux et constate que la famille ne connaît ni son nom, ni la nature de sa relation avec le défunt. Peu de temps après son arrivée chez la famille, Tom se fait menacer par Francis (Pierre-Yves Cardinal), le frère du défunt. Le but de cette menace : faire en sorte que la mère de l’ex copain ne découvre jamais que son fils était gay. Une relation basée sur la peur se développera entre les deux hommes.
Dans Tom à la ferme (adaptation de la pièce de Michel Marc Bouchard), Xavier Dolan traite d’un thème omniprésent dans son œuvre : l’homosexualité. Ce qui est, par contre, très différent est la forme. Dolan sort de son style habituel et nous offre un film qui se rapproche plus du suspense (sans perdre le volet social de ses autres œuvres). L’effet de ce changement mène à un film tout aussi fort, mais plus accessible pour le public en général. Une chose qui ne change pas, c’est l’implication de Dolan dans son film. Lorsqu’on regarde le générique, on a l’impression qu’il a pratiquement fait le film seul (scénario, dialogues, réalisation, montage, rôle principal et même sous-titrage). C’est spécial! Par contre, c’est peut-être cela qui lui permet d’arriver au résultat qu’il veut. Ça donne un film très personnel.
Le film pose un point de vue intéressant sur l’homophobie, mais surtout sur l’hypocrisie qui l’entoure. Pour Francis, tout est justifiable pour empêcher sa mère de découvrir que son fils était gay. Il utilisera la violence envers Tom pour s’assurer que celui-ci ne laissera jamais savoir la teneur de sa relation avec le défunt. Amusamment, le film amène plusieurs références au Psycho d’Hitchcock. Le lien entre Francis et sa mère, l’espèce de terreur qu’il colporte et sa soumission à cette femme qu’il veut supposément protéger rappellent effectivement cette œuvre phare.
Toute cette violence nous amène ensuite à Tom qui souffre du syndrome de Stockholm. C’est étrange et intrigant que cette façon qu’une victime finit par s’identifier à son bourreau. Tom à la ferme aborde légèrement ce sujet. Malheureusement, on passe rapidement sur l’évolution du syndrome. Là est ma seule critique. Il aurait été intéressant de voir comment Tom en arrive là.
Il y a une scène que je trouve particulièrement marquante dans Tom à la ferme. Une scène où Tom et Francis se retrouvent dans une étable pour danser. Non seulement l’échange entre les deux personnages est marquant par le texte, mais l’étrangeté et l’improbabilité de voir ces deux hommes danser ensemble rendent cette scène surréaliste. Même si le film avait été mauvais (ce qui n’est pas le cas), je dirais aux gens d’aller le voir, juste pour cette scène.
Pour terminer, je dirais que Tom à la ferme (avec son titre qui pourrait laisser croire à un film porno) est un film génial, qui mélange bien le cinéma intelligent avec le genre. Un film qui offre une trame musicale magnifique et un jeu d’acteur inspiré. Comme à son habitude, Xavier Dolan offre un film qui montre le haut niveau de qualité que notre cinéma national peut atteindre.
Note : 9/10
© 2023 Le petit septième
La relation du couple que forment Tom et Francis est vraiment particulière et sa mise en scène tout autant puisqu’elle transforme la manière hitchcockienne : non plus des étreintes amoureuses filmées comme des meurtres ou des agressions mais l’inverse. Dans les deux exemples développés à l’image, un crachat dans la bouche, un souffle ou une strangulation prennent des caractères ouvertement sexuels. Relation étrange entre la victime et l’agresseur (voir son blouson avec emblème dans sa dernière apparition) qui ramènerait à la relation entretenue entre le Canada et les Etats-Unis ?
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