La vie heureuse de Léopold Z. (Gilles Carle, 1965) raconte les mésaventures de Léopold Z. Tremblay, le 24 décembre, depuis le matin jusqu’à la messe de minuit. Une tempête de neige s’abat sur Montréal et Léopold, qui est déneigeur, doit répondre à l’appel. Il devra, cependant, choisir entre ses obligations professionnelles et ses obligations familiales. Un dur choix, surtout que sa femme ne cesse de lui téléphoner et que son patron ne cesse de le surveiller.
Il est toujours intéressant de revoir un vieux film. Ça permet de mettre en perspectives nos façons de faire. La vie heureuse de Léopold Z. m’a permis de voir le Montréal des années 1960. Mais c’est avant tout un film qui questionne et montre la vie d’un homme de la classe ouvrière (comme Gilles Carle l’a souvent fait).
Plusieurs choses m’ont frappé dans ce film. Tout d’abord, le style narratif que Carle emploie. L’histoire est narrée, mais à quelques occasions, les personnages interviennent dans celle-ci. Par exemple, la femme de Léopold Z. répond au narrateur en regardant la caméra à deux reprises, comme pour mettre l’emphase sur ce que le narrateur venait de dire. Un procédé intéressant que l’on n’a pas vu souvent par la suite. Certaines lignes du texte (aussi écrit par Carle) sont particulièrement bonnes. Parfois ce sont des jeux de mots savoureux, comme lorsque Léopold Z. laisse le combiné du téléphone se balancer dans le vide alors que son patron tente de le sermonner à l’autre bout du fil et qu’on l’entend dire : « si tu t’en balances tant pis! » tout en montrant un plan du combiné qui continue son mouvement. D’autres fois c’est par des phrases marquantes, critiquant la vie de l’époque ou la société en générale. Par exemple : « L’ignorance c’est comme la science, ça n’a pas de bornes. » Ou encore, en parlant de Léo, le narrateur lance : « Pourquoi son crédit est toujours épuisé, alors que c’est lui qui travaille tant. » Carle amène ici un questionnement intéressant sur la classe ouvrière qui ne cessait de s’embourber alors que les gouvernements n’arrêtaient pas de dire que le niveau de vie des Québécois s’améliorait.
Le film nous donne aussi quelques moments cocasses. Un de ceux-ci survient alors que Léopold Z. tente de remplir une demande de financement à la banque et qu’il ne réussit pas, car le fil du crayon est trop court. Il passera un bon moment à se battre avec ce crayon pour réussir à remplir cet important document.
Mais ce qui reste le point le plus intéressant, pour moi, c’est la façon dont Gilles Carle dépeint la réalité de l’époque. Il montre l’importance de la religion catholique dans le Québec des années 1950-1960 (entre autres lorsque le banquier lui demande : « divorcé? » et qu’il répond : « catholique! »). Il montre aussi la place que pouvait prendre la neige et l’hiver québécois. D’ailleurs, ça fait combien d’années que nous n’avons pas eu plus de 30 cm de neige avant Noël? Petit fait amusant… il semble n’y avoir eu aucune évolution dans la façon de ramasser la neige depuis les années 1960 à Montréal. Peut-être serait-il temps de se pencher sur cette question? Je ne vous raconterai pas tout, car il y aurait trop à dire. Je vous laisse le plaisir de découvrir ou redécouvrir ce film magnifique par vous-mêmes.
La vie heureuse de Léopold Z. n’est pas un classique du cinéma québécois pour rien. Il s’agit d’un long métrage qui, encore aujourd’hui, s’écoute et se comprend. Je vous le conseille très fortement. Le film est disponible sur le site de l’ONF, et ce, gratuitement. Profitez-en!
Note : 8.5/10
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