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ANORA - Une

[FNC] Anora — Love on Credit

« What the fuck is going on here? »
[Mais qu’est-ce qui se passe ici?]

L’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue : What is love?

ANORA - Affiche

Sean Baker, connu pour ses œuvres centrées sur les laissés-pour-compte et les communautés marginalisées, revient avec Anora (récompensé par la Palme d’or à Cannes en mai dernier), un long-métrage qui se démarque de ses œuvres précédentes tout en conservant une continuité sur des thématiques fortes. Après des succès comme Tangerine, The Florida Project, et Red Rocket, Baker continue de brosser un portrait réaliste et poignant des oubliés du rêve américain, cette fois en flirtant avec des éléments de comédie romantique et de burlesque. Toutefois, derrière cette apparence plus légère, Anora aborde des thèmes lourds, tels que la marchandisation des corps, l’illusion du bonheur par la richesse, et la quête d’une vie meilleure à travers des moyens souvent dégradants.

Le personnage principal, Ani (incarnée brillamment par Mikey Madison), incarne une strip-teaseuse de Brooklyn qui voit sa vie bouleversée par l’arrivée d’Ivan (Mark Eydelshteyn), le fils insouciant d’un oligarque russe. En épousant impulsivement ce jeune homme, Ani entre dans un monde qui, à première vue, semble lui offrir une échappatoire à son existence précaire. Mais bien vite, son conte de fées moderne tourne au vinaigre, lorsque la famille d’Ivan, désapprouvant leur mariage, intervient pour tenter d’annuler cette union. À travers ce récit, Baker déconstruit le mythe de la « Cendrillon des temps modernes » et offre une critique acerbe de la société contemporaine, où l’argent et le consumérisme priment sur l’amour et la dignité humaine.

Un équilibre entre comédie et tragédie

Ce qui distingue Anora des autres films de Sean Baker est son ton résolument plus léger et comique, malgré les thèmes sérieux qu’il aborde. Alors que ses précédents films se concentraient davantage sur la tragédie de la vie en marge de la société, Anora joue sur des éléments de comédie, notamment avec le trio de mafieux envoyés pour annuler le mariage. Ces personnages, qui dans un autre film auraient pu représenter une menace sérieuse, sont ici tournés en ridicule, contribuant à la dimension burlesque de l’œuvre.

ANORA - Un équilibre Mikey Madison
Ani (Mikey Madison)

Mais derrière l’humour se cache une profonde tristesse. Ani, bien qu’elle trouve des moments de répit dans son escapade avec Ivan, reste prisonnière d’un système qui l’exploite, que ce soit dans le club où elle travaille ou dans sa nouvelle vie de femme mariée. 

Le film oscille ainsi constamment entre la comédie et la tragédie, reflétant la complexité des vies de ses personnages. Sean Baker parvient à maintenir cet équilibre tout au long du film, offrant une réflexion sur la manière dont les individus tentent de survivre dans un monde qui ne leur offre que peu d’opportunités de véritable épanouissement.

L’aspect visuel d’Anora est tout aussi important que son récit. Sean Baker, fidèle à son style, sublime les décors, que ce soit les clubs sombres de Brooklyn ou les néons clinquants de Las Vegas, pour renforcer le contraste entre le monde rêvé d’Ani et la réalité qui finit toujours par la rattraper. Mikey Madison, délivre une performance poignante, apportant à Ani une vulnérabilité et une force qui résonnent profondément. Sa transformation, de strip-teaseuse désillusionnée à femme résolue à reprendre le contrôle de sa vie, est le cœur battant du film.

L’illusion de l’ascension sociale et l’éphémérité des relations basées sur l’argent

Anora - Un équilibre - Sean Baker

L’un des thèmes majeurs du film repose sur la fausse promesse que l’argent peut offrir une issue à la pauvreté. Ani, comme beaucoup de femmes dans des situations similaires, voit en Ivan une opportunité d’échapper à son quotidien difficile. Cependant, la richesse d’Ivan, loin d’apporter une véritable libération, ne fait qu’aggraver l’aliénation d’Ani. Le film dépeint le monde de la nuit comme un lieu où les femmes vendent leur corps et leur image, dans une illusion de liberté procurée par l’argent, mais qui, en réalité, les enferme davantage.

Le mariage entre Ani et Ivan, organisé sur un coup de tête dans une chapelle de Las Vegas, représente cette illusion. Plutôt qu’un engagement réel, il s’apparente à une parodie du mariage, où les relations sont réduites à des transactions matérielles, symbole ultime de la superficialité de leur union. Sean Baker critique ici une société où tout, y compris le mariage, est monnayable et perd ainsi sa signification profonde. À travers ce mariage précipité et les événements chaotiques qui s’ensuivent, Baker expose la dégradation des valeurs traditionnelles sous l’emprise du consumérisme.

Un autre aspect important d’Anora est sa critique de la société de consommation. Sean Baker explore la vacuité de la richesse à travers le personnage d’Ivan et celui de ses amis. C’est un jeune homme dont la vie est centrée sur des plaisirs éphémères, alimentés par une culture de l’instantanéité et de la consommation. Baker utilise l’exemple d’Ivan pour critiquer une génération qui ne cherche pas à se réaliser à travers des idées ou des projets, mais uniquement à travers la consommation excessive. Ivan incarne une génération qui, plutôt que de se définir par des valeurs profondes ou des ambitions personnelles, s’abandonne à la satisfaction immédiate de ses désirs, sans véritable réflexion sur le long terme. Ses relations sont superficielles, construites autour de l’argent et du divertissement. Ces interactions creuses reflètent un monde où la richesse offre un confort matériel, mais ne parvient pas à combler le vide existentiel. 

Pour Ani, Ivan représente un rêve d’évasion, une possibilité de quitter une vie de précarité dans le monde nocturne des clubs de strip-tease. Son mariage avec lui, bien que précipité et motivé par des raisons matérielles, semble être une tentative pour elle de se réinventer et de reprendre le contrôle de son destin. Cependant, cette nouvelle réalité n’est qu’une autre forme d’aliénation. Si sa vie de strip-teaseuse lui imposait de monnayer son corps pour le plaisir des autres, son mariage avec Ivan ne la libère pas de cette marchandisation, mais la soumet à une nouvelle forme de contrôle : celui des attentes sociales et familiales liées à son nouveau statut. Ani se retrouve prisonnière d’un cadre qui, bien que différent, continue d’exploiter son image et de réduire sa liberté personnelle.

Anora est un film complexe qui, sous ses airs de comédie burlesque, cache une profonde réflexion sur les illusions et désillusions du rêve américain. Sean Baker parvient à toucher à des thèmes universels tout en offrant un divertissement de qualité, rendant cette œuvre à la fois accessible et riche en émotion. Ce film est bien plus qu’un simple conte de Cendrillon moderne; c’est une exploration des désirs humains, des compromis que l’on fait pour s’en sortir, et des espoirs qui naissent même dans les moments les plus sombres.

Anora est présenté au FNC les 11 et 18 octobre 2024 et arrive en salles le 25 octobre.

Bande-annonce  

Technical Sheet

Original Title
Anora
Duration
139 minutes
Year
2024
Country
USA
Director
Sean Baker
Screenplay
Sean Baker
Rating
8 /10

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Technical Sheet

Original Title
Anora
Duration
139 minutes
Year
2024
Country
USA
Director
Sean Baker
Screenplay
Sean Baker
Rating
8 /10

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