Le Petit Septième

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Modern Whore - Une

[TIFF] Modern Whore – Sex Worker and Proud

« My name is Andrea Werhun, I’m a writer and performer, and… I’m also a sexworker. »
[Je m’appelle Andrea Werhun, je suis écrivaine et performeuse, et… je suis aussi travailleuse du sexe.]

Nicole Bazuin
Nicole Bazuin

Modern Whore est un documentaire hybride qui revisite les représentations populaires du travail du sexe à travers le vécu de l’écrivaine, performeuse et travailleuse du sexe Andrea Werhun. S’appuyant sur son livre Modern Whore: A Memoir, Andrea lutte contre la stigmatisation sociale et se réapproprie son récit dans une série d’histoires drôles, bouleversantes et surprenantes.

Avec Modern Whore, un hybride entre documentaire et reconstitution, Nicole Bazuin place Andrea Werhun dans le rôle d’une conteuse charismatique au cœur d’un univers théâtral et stylisé. Un film marqué par le regard de l’auteure, qui détaille ses expériences et ses réflexions, qui couvrent une vaste gamme d’émotions.

Raconter autrement

Modern Whore est une présentation colorée et immersive de l’histoire d’Andrea, qui confronte et réinvente les représentations populaires du travail du sexe. À l’opposé des récits édifiants et tristes ou des archétypes émouvants qui réduisent les travailleuses du sexe à des méchantes ou à des victimes, le film de Nicole Bazuin reflète un désir d’histoires nuancées, pleines d’humour, de cœur et de vérité.

Plutôt que de simplement raconter l’histoire à partir de témoignages en têtes parlantes entrecoupés d’images d’archives ou de statistiques, la réalisatrice mise sur un mélange judicieux de plans dans lesquels Andrea raconte son histoire en plan rapproché avec des séquences de reconstitutions jouées par Andrea elle-même et d’autres séquences de discussion entre Andrea et certains de ses proches. Les séquences où la jeune femme raconte son histoire sont présentées d’une manière assez différente. La nuance est légère, mais plutôt que de raconter son récit à la réalisatrice (ou à la caméra), elle le raconte directement au spectateur. Et on le ressent. 

Modern whore - Raconter autrement
Andrea Werhun

Contrairement aux documentaires classiques, le spectateur est directement interpellé, comme s’il était réellement la personne à qui on parle. Une technique qui pourrait permettre de mieux faire passer le message. Une technique aussi beaucoup plus moderne, clairement présentée et utilisée par des personnes qui maîtrisent les médias numériques actuels. 

Les séquences qui sont des reconstitutions sont intéressantes aussi puisque le personnage d’Andrea est joué par… Andrea elle-même. Et comme elle raconte ses histoires d’escorte ou de strip-tease, elle ne se cache pas pour se mettre à nu tant émotionnellement, que physiquement. Et il est rare de montrer de la peau dans un documentaire. On comprend ainsi que pour elle, la nudité ou par whoredom (je n’ai pas trouvé comme bien traduire, mais on pourrait dire que c’est l’univers de l’industrie du sexe au complet) n’est pas quelque chose que l’on doit traiter comme un tabou et que de le montrer de façon simple est une partie de la solution. 

Pourquoi raconter ça?

Voilà qui nous amène au fameux « pourquoi ». Pourquoi encore faire un film sur la prostitution ou sur les personnes qui travaillent dans le milieu du sexe? Parce que pour une rare fois, le récit nous est présenté et raconter par les personnes qui y travaillent, plutôt que par des personnes loin du milieu, mais qui « savent » ce qu’il en est. 

D’ailleurs, à plusieurs reprises, les personnes qui parlent dans le film expliquent que c’est important de pouvoir, enfin, voir un film (ou y participer) où on ne montre pas les filles qui dansent ou qui sont escortes comme étant des victimes. On nous montre que si elles font ce métier, c’est par choix. Et on explique que, oui, ça peut être dangereux, mais que fondamentalement, c’est un métier comme un autre, qu’on choisit de faire et qui comporte du bon comme du moins bon. 

Modern whore - Pourquoi raconter ça
Une des reconstitutions teintées d’humour

Mais le message central est probablement que ce qui fait une réelle différence entre les métiers du sexe et les autres, c’est comment on les perçoit et comment les recours sont différents. Tu te fais harceler au bureau de la compagnie d’assurances où tu travailles, tu auras des recours où quelqu’un sera présent pour s’assurer que tu es protégé. Ce qui n’est pas le cas dans les métiers du sexe. 

Un autre moment qui porte à réfléchir dans ce film vient lorsqu’Andrea explique qu’après avoir arrêté sa carrière d’escorte pour sa mère, elle s’est trouvé un boulot de coursier à vélo. Elle raconte comment elle a vécu ce changement : 

« What’s more dangerous in this city – working as a bike courier or as a stripper? » [Qu’est-ce qui est le plus dangereux dans cette ville : travailler comme coursier à vélo ou comme strip-teaseuse?]

Si un bon nombre de personnes peuvent voir ce film, peut-être que l’objectif sera atteint et qu’on pourra faire évoluer les façons de penser et de gérer les métiers du sexe. Les perceptions sont souvent beaucoup plus importantes qu’on ne veut bien le dire…

Un peu plus…

N’allez cependant pas croire que Modern Whore n’est pas objectif et qu’il tente de raconter à quel point travailler comme escorte ou comme danseuse nue est un monde de licornes. Les intervenantes racontent les deux côtés de la médaille. 

Modern Whore - Un peu plus

Andrea explique que bien qu’elle adore le spectacle, ses collègues et aussi l’argent qu’elle fait en travaillant dans un club de strip-tease, il y a tout de même des prédateurs qui rôdent à chaque coin de rue. Outre les agressions sexuelles, Sophia (nom de scène de la jeune femme) doit répondre à des questions indiscrètes et inappropriées qui suscitent des réactions de type « pornographie traumatique », comme « Quelle est la pire chose qui vous soit arrivée?» et « Qui vous a touchée dans votre enfance pour en arriver à travailler ici? »

En tout cas, je n’ai d’autre choix que de vous conseiller Modern Whore. D’autant plus que la seule chose qui m’a dérangée dans ce film, c’est l’utilisation des pronoms lorsqu’on présente les intervenants. Je considère que bien que ce soit pertinent lors d’interactions avec les personnes, dans un documentaire où on n’en a rien à faire, ça pourrait être mis de côté afin d’alléger le tout. Surtout que je trouve que la surimpression des pronoms crée une division qu’on devrait combattre plutôt que de la nourrir. Mais ça, c’est seulement un point de vue. 

Le film, lui, mérite toute la visibilité du monde. Parlez-en!

Modern Whore est présenté au TIFF les 5, 7 et 13 septembre 2025.

Extrait  

Technical Sheet

Original Title
Modern Whore
Duration
80 minutes
Year
2025
Country
Canada
Director
Nicole Bazuin
Screenplay
Nicole Bazuin and Andrea Werhun
Rating
8 /10

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Technical Sheet

Original Title
Modern Whore
Duration
80 minutes
Year
2025
Country
Canada
Director
Nicole Bazuin
Screenplay
Nicole Bazuin and Andrea Werhun
Rating
8 /10

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