« It is feeding on you. This very moment. Soon, the first goes missing. Fortify your mind. »
[Ça se nourrit de vous. À ce moment même. Bientôt, le premier disparaîtra. Fortifiez votre esprit.]
Il est difficile d’expliquer l’histoire de Buffet Infinity. Pour ne pas trop divulguer de son histoire, le film raconte sommairement la dispute commerciale entre deux restaurants d’une petite ville canadienne fictive, ses ramifications sur les commerces avoisinants et sur la population qui subit d’étranges phénomènes. Le tout coïncidant avec l’apparition d’un mystérieux gouffre dans le stationnement arrière où se trouve les deux restaurants concurrents, soit le restaurant de sandwich local de Jennifer Joy Avery (Claire Theobald) et le nouveau Buffet Infinity, un buffet à volonté qui n’a aucun employé, mais dont les prix sont très bas.
Le tour de force du film est son style narratif particulier. Simon Glassman, le réalisateur et scénariste, a décidé de raconter sa comédie d’horreur sous forme d’annonces publicitaires dignes d’une télé communautaire des années 90. Un téléjournal local entrecoupe les publicités pour nous donner plus de contexte sur certains enjeux du récit, mais la grande majorité de l’intrigue se joue dans les publicités des divers commerces de la ville fictive de Westridge County.
Nous sommes dans un pur style d’horreur analogique. Pour ceux qui l’ignorent, ce sous-genre de l’horreur est un dérivé des films du style « found footage ». Par contre, si le found footage moderne utilise davantage la technologie du moment (soit de notre époque actuelle), l’horreur analogique trouve son esthétique dans les médias des années 1960 à 1990, avec la télé analogique ou le VHS. Ce genre d’horreur a, ironiquement, trouvé son public principalement sur YouTube, d’où la genèse du projet a débuté pour le réalisateur canadien.
« I began working on it as a 30-second YouTube sketch at the beginning of COVID, eventually expanding it into a feature. There was no script, just different scenes shot — and often re-shot — over five years. Hundreds of scenes were filmed and edited, and then never used. By my count, there are enough spare scenes to make another full feature film! »
[J’ai commencé à y travailler sous la forme d’un sketch YouTube de 30 secondes au début de la COVID, pour finalement en faire un long métrage. Il n’y avait pas de scénario, juste différentes scènes tournées – et souvent re-tournées – sur cinq ans. Des centaines de scènes ont été filmées et montées, puis jamais utilisées. À mon avis, il reste suffisamment de scènes inutilisées pour faire un autre long métrage complet!]
La définition du syndrome de la vallée de l’étrange est une théorie de la robotique qui prétend que lorsqu’un objet atteint un certain degré de ressemblance anthropomorphique ou d’hyperréalisme, il provoque une sensation d’angoisse et de malaise.
C’est ce que ce film provoque lorsqu’on le regarde, car les publicités de Buffet Infinity provoquent un grand malaise de par leur réalisme. Simon Glassman a fait un excellent travail pour reproduire avec sincérité ces publicités faites avec les moyens du bord par des petits commerçants qui espéraient un peu plus de visibilité.
De l’acting forcé, des effets spéciaux réduits, le lettrage des textes, les voix-off, le bruitage de l’époque, le manque d’aisance des commerçants, bref, tout y est. Le réalisme est parfois bluffant et le malaise s’accroît au fur et à mesure que le récit avance.
Malheureusement, vers la fin du film, on a l’impression que le réalisateur semble perdre confiance en son format narratif. Dans quelques séquences qui font taches au récit, nous ne sommes ni dans une publicité, ni dans un téléjournal. Nous nous retrouvons derrière la caméra, dans le réel, et nous suivons quelques personnages dans leur quotidien. Ce changement de style jure avec le reste et n’apporte pas grand-chose à l’histoire, ce qui est dommage.
De plus, le format publicitaire prend beaucoup de liberté pour aider l’histoire à avancer. Si par moment, on accepte l’improbabilité d’une telle publicité (surtout si elle est drôle), à d’autres instances, cela devient trop gros et l’incrédulité prend toute la place.
De plus, la fin nous laisse sur notre faim, ce qui est d’une hilarante ironie pour un film sur un buffet à volonté. Le réalisateur indique avoir filmé plusieurs scènes qui n’ont jamais été utilisées. On ne saura donc probablement jamais pourquoi il a choisi cette fin spécifiquement, mais s’il fait effectivement un autre film dans ce genre, j’espère qu’il pourra mettre un peu plus de punch dans sa finale.
Simon Glassman nous offre un film particulier, drôle, malaisant et plein de sincérité. J’espère qu’il trouvera son public et qu’il aura tout le succès qu’il mérite, car ce fut un visionnement fort agréable. Malgré une fin moins intéressante que le reste du film, je vous souhaite de le découvrir, sur grand écran ou votre télé cathodique.
Buffet infinity est présenté au Festival Fantasia le 28 juillet 2025.
Bande-annonce
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