« Esti de famille de marde. »
Prisonniers d’un passé extrêmement dramatique, Christophe et Gabrielle continuent néanmoins de chercher la lumière tout en faisant échec à la violence des hommes.
Quand j’étais petit, il m’arrivait de me poser des questions, sans doute étranges pour les autres, mais qui chez moi font encore vibrer des cordes maintenant. Je me demandais qui guérissait les docteurs, coupait les cheveux des coiffeurs, nettoyait la maison des concierges; bref, il m’était alors — et encore plus maintenant — impossible de concevoir qu’un individu doive accomplir tout, tout seul. Depuis que je regarde À cœur battant que je vois Christophe (ou, en français, Jésus-robuste) Lallier se démener comme un diable dans l’eau bénite pour sauver chaque âme qui croise son chemin et même celle qu’il ne croise pas. La question que je me pose au sujet du protagoniste est celle-là même qu’avait posée Gerry Boulet aux individus de notre nation dans un chant de douleur.
La réponse à cette question m’effraie; et si ce n’était personne? Cette constatation lourde me ramène à une citation connue de l’illustre Arthur C. Clarke qui disait : « Il n’existe que deux possibilités : soit nous sommes seuls dans l’univers, ou nous ne le sommes pas. Les deux réponses sont autant terrifiantes. » Bien évidemment, l’auteur faisait référence à la présence de vie ailleurs dans le cosmos et non de la solitude de l’être, mais il est toujours possible de faire des liens entre des choses qui n’ont, à première vue, rien en commun. Serait-ce fou de concevoir que certaines tâches sont trop difficiles pour être accomplies seul? Est-il possible que tout un chacun oublie de rendre l’appareil; oublie que nous sommes redevables des actes de bonne foi? Avons-nous déjà détourné le regard face à une personne que l’on aurait pu aider, une personne que l’on dit aimer? Et si vous étiez la source de ce malheur, voudriez-vous vous racheter; jusqu’où seriez-vous prêt à aller? Et si votre cause était irrattrapable, que feriez-vous?
On ne peut se cacher que depuis sa parution, la série — produite encore par Aetios, donc Michel Trudeau et Fabienne Larouche (de charmantes personnes, je vous l’assure) — ne cesse de provoquer habilement son public avec des situations dont les enjeux sont de plus en plus conflictuels le laissant ambivalent et pensif. Un tour de force si vous voulez mon avis qui démontre bien la valeur artistique, mais surtout culturelle de cette œuvre à ne pas manquer cet automne. On nous promet une finale qui nous fera frémir alors que les spectateurs plongeront dans les ténèbres glaciales du passé trouble de Christophe Lallier, ainsi que de la vie toujours plus tumultueuse de son entourage composé du même excellent casting : Catherine Paquin-Béchard, Dominick Rustam-Chartrand, Élodie Bégin, Ève Landry, Jean-Nicolas Verreault, Maxime Mailloux, Maxime Robin et Micheline Lanctôt, avec la participation de Marc Messier.
Pour Louise Archambault, réalisatrice de la saison finale, le but n’est pas de changer l’approche de la réalisation, mais tout bonnement de continuer dans cette même voix; c’est-à-dire d’accompagner l’écriture de Madame Trottier, car c’est elle qui est au centre de ce projet. On soulignait aussi que l’auteure de l’émission ne fait pas seulement inventer, mais elle effectue beaucoup de recherche en amont et elle a aussi été témoin de nombreux témoignages en lien avec les divers sujets qu’elle aborde dans la série. Plus que de la modestie de la part de la réalisatrice qui est manifestement consciente que ce qui réside au sein de son œuvre communique chez son public quelque chose de puissant.
Roy, Roy, Roy; que dire d’élogieux à propos de Monsieur Dupuis qui ne saurait être déjà dit? Lorsque l’on prononce son nom, les diadèmes pleuvent sur sa tête et notre Roy n’a d’autres réflexes qu’une humilité révérencieuse et silencieuse. En fait, c’est ce dont je me souviens de lui puisqu’il n’était pas présent au dévoilement de la saison finale de la série. Voilà, j’ai réussi à trouver un écueil! Je ne croyais pas être capable de trouver un point qui ne serait pas complètement positif sur lui (que voulez-vous, faut bien aller là où personne n’ose pour se démarquer), mais comme on le connait il était probablement en train de sauver la faune du Yémen ou une femme enceinte d’un immeuble en feu. En feu… peut-être sont-ce les deux mots qui définissent le mieux Roy Dupuis? En feu doux pareil au buisson enflammé dans le milieu du désert. On espère le revoir encore sur nos écrans même s’il y est sans arrêt. On l’aime fort ce Roy faut croire.
Liridon Rashiti était de la partie, lui qui aurait pu être déjà en Albanie, mais qui retarde sans cesse son voyage alors que la production l’a rappelé pour la finale, histoire de mettre ses origines albanaises plus en valeur. Un Albanais qui n’arrive pas à retourner en Albanie pour mieux nous parler de son pays, me fit-il remarquer à la blague. Les cordonniers sont souvent mal chaussés, mais ils font de bons souliers. Il est aussi bien conscient de la raison pour laquelle son personnage reviendra faire des apparitions dans la saison finale. Les conditions des femmes ne sont pas plaisantes et égalitaires partout, ce qui amène le système de justice d’ici à être confronté au système de valeur de celles et ceux qui arrivent au Canada, et monsieur Rashiti est fier de pouvoir s’impliquer davantage.
Une œuvre, quelle qu’elle soit, ne peut être réellement appréciée qu’au moment où elle est terminée; c’est à partir de ce moment seulement qu’elle se met à se mouvoir à travers nous pour vivre à nouveau ou nous hanter. Rappelez-vous ces amours qui ne prirent sens qu’une fois qu’il était trop tard pour changer de cap (là, je ne parle pas du Titanic). Une série qui annonce ses derniers épisodes est l’achèvement d’un long processus de mise à l’eau; le navire saura-t-il flotter seul ou fera-t-il naufrage au moindre obstacle? Okay, peut-être un peu comme le Titani. Une fois hors des mains de ses créateurs, toute pièce d’art est ensuite laissée à elle-même pour naviguer.
J’écris cet article et je réfléchis parallèlement à cette fable de la Fontaine, La laitière et le pot au lait, où j’y trouve un sens qui témoigne de la souffrance humaine et de ses apparences majoritairement imperceptibles. Tout un chacun a l’habitude de préférer rendre une image de soi heureuse et reconnaissante de la vie. On finit par se croire pour tenter d’oublier ce qui assiège l’esprit des problèmes de tous les jours et des autres jours aussi. Il n’y a pas de honte à retomber en soi-même. Nous sommes peut-être tous gros Jean comme devant à un moment, toutefois c’est à soi que revient le choix de se définir ainsi ou de se dépasser. Le pardon c’est d’abord à soi qu’on le donne.
Comment les personnages de la série À cœur battant trouveront-ils la force pour empêcher une crise cardiaque existentielle qui risquerait de leur être mortelle? Seul l’avenir nous le dira, mais il va sans dire que Danielle Trottier à rarement la plume au défaitisme et à l’abandon. La majorité de ses histoires démontrant de la ténacité dans l’adversité, il serait sans surprise que tout finisse par s’arranger; reste à savoir, comment. Je suis optimiste que toute chose à une fin; les bonnes ainsi que les mauvaises, histoire de profiter d’un repos bien mérité. Rien ne sert d’essayer de réanimer les morts, suffit de continuer à faire vivre les vivants; au risque d’en payer le gros prix.
En petit bonus, une source sûre m’a confié qu’un tournage pour une série de fiction serait prévu pour l’été 2025 chez Aetios. L’auteure n’est nulle autre que Danielle Trottier qui à déclarer uniquement ceci : « Ce sera à propos de quelque chose qui ne se peut pas ». Tout ce suspense combiné à l’approche de Halloween me donne envie de vous transformer, cher lectorat, en un auditoire le temps de vivre un bon THRILLER (c’est du comic sans ms, parait que les graphistes ont en horreur cette police d’écriture).
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