Untitled – Sans titre

« Mon prochain projet s’appelle Untitled (Sans titre) et c’est un documentaire à propos de rien. »

Untitled - afficheEn 2013, le cinéaste Michael Glawogger part sur les routes pour un ambitieux projet de documentaire au long cours, à l’approche expérimentale et libre : un parcours à travers le monde, comme il en avait l’habitude (ses précédents films se déroulent dans plusieurs pays), mais cette fois sans sujet balisé et sans intention préétablie. Mais au bout de quatre mois de tournage, il décède de la malaria au Libéria. Sa monteuse et collaboratrice de longue date, Monika Willi, décide ne pas laisser le matériel accumulé là sombrer dans l’oubli, s’inspirant des notes laissées par le cinéaste.

Le résultat est Untitled, une œuvre en mouvement permanent, à la fois traversée de fulgurances et habitée par des questionnements profonds. Un film partagé, comme on en voit rarement. Une œuvre hommage empreinte de mélancolie.

La musique

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Femmes transportant de l’eau

Dans Untitled, la musique (de Wolfgang Mitterer) a une sonorité de requiem. Ce n’est pas étonnant lorsqu’on sait que le réalisateur est mort lors du tournage.

Et c’est grâce à cette trame sonore que les images sont si frappantes. Dès le premier plan, on peut apprécier les choix de l’équipe. Une musique sobre. Un opéra à une seule voix. Pas de mots, seulement des sons. On dirait une longue plainte, composée en l’honneur d’un défunt. Et si à un moment on a envie de décrocher, la musique revient nous happer, et elle nous garde devant l’écran pour que l’on puisse continuer à regarder les images posthumes.

La poésie

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Des handicapés qui jouent au soccer

La musique et les images ne sont pas les seules composantes dans ce film qui ose. La narration qui accompagne le tout est d’une beauté incroyable. Cette poésie narrée, sur un ton parfait, complète l’expérience. C’est Fiona Shaw qui se prête à l’exercice de style.

Je crois que comme Untitled n’a pas de sujet comme tel, il était nécessaire de créer quelque chose de spécial afin d’accompagner les images. Et c’est ce que la narratrice réussit à faire. Par moments, on a l’impression d’écouter un poème alors que, à d’autres moments, on se croirait sur le bord du foyer, à écouter grand-maman nous raconter un conte.

Rien n’est dit

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Une petite fille seule

Comme expliquait le réalisateur avant de mourir, ce film part du principe d’un « voyage dans le monde avec les yeux et l’esprit ouverts – observer, écouter, expérimenter. » Et c’est ce qu’on fait en visionnant le documentaire : observer, écouter et expérimenter.

Et rarement on nous dit où l’on est ou ce que l’on regarde. Par moments, on comprend et, à d’autres moments, non. Et c’est là toute la beauté de cette œuvre. Comme je disais : un poème… D’ailleurs, cette poésie visuelle se termine sur ces mots, sans explications : « Jungle of Eden, Garden of Hell ».

Mais encore…

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Des enfants pauvres

Plus de deux ans après la mort soudaine de Michael Glawogger en avril 2014, la monteuse du projet, Monika Willi, réalise un film tiré des images filmées pendant 4 mois et 19 jours de tournage dans les Balkans, en Italie, au Nord-Ouest et en Afrique de l’Ouest.

Ça aura pris 2 ans à la femme pour se décider à honorer son ami en terminant son film.

J’ai envie de terminer ce texte sur une citation du réalisateur qui explique pourquoi il a décidé de faire un documentaire sur… sur rien, en fait. « Je veux donner une vision du monde qui ne peut émerger qu’en ne poursuivant aucun thème particulier, en s’abstenant de porter un jugement, de poursuivre sans but, sans dévier de sa direction, sauf de sa propre curiosité et de son intuition. »

Note : 8/10

* Le film sera présenté aux RIDM le 11 novembre 2017.

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